Les résultats officiels seront connus aujourd'hui. Le ministre de l'Intérieur animera une conférence de presse ce matin. «Aux urnes citoyens !» titraient en manchettes, hier, quatre quotidiens tunisois qui avaient publié la photo du président Zine El Abidine Ben Ali. Fait peu ordinaire, il avait, samedi soir, dans un discours à la nation, fustigé une « poignée » de Tunisiens qui auraient, nous dit-on, coutume de se livrer à certains journalistes français pour mettre en doute l'honnêteté du scrutin. Il menace ces «chercheurs d'euros» des rigueurs de la loi. «Nous ne tolérerons aucun abus, ni aucune falsification ou manipulation de la volonté du peuple. Nous prendrons toutes les mesures que prévoit la loi à l'encontre de semblables comportements, pour peu que la preuve en soit donnée dans l'opération électorale», dit-il. Le décor de la riposte aux mouvements internationaux de défense des droits de l'homme, qui estiment que le scrutin ne sera pas libre et démocratique «avant même le dépouillement des voix», est planté. Ben Ali qui peut se targuer de réussites - taux de croissance de 4,5% en 2008, émancipation des femmes, réduction du taux de chômage (14% en 2008) - n'admet pas de critiques au rabais. « On ne veut pas en Occident, tolérer un quelconque modèle au Sud à même de réussir ou de servir d'exemple », nous explique Mme Doha, porte-parole de l'Observatoire national des élections présidentielle et législatives. Propos que partage M. Oussama Ramdani, le ministre de la Communication par intérim. Selon lui, ces sorties médiatiques obéiraient plus à des agendas politiques étrangers qu'au souci du respect des droits de l'homme dont tout le monde parle sans respect de l'autre et du droit à la différence. Sans faire dans la « haute politique », les quelques personnes interrogeables n'ont pas hésité une seconde à afficher leur « élu » : Ben Ali. « Après ses 22 ans au pouvoir et ce qu'il a fait pour le pays et la jeunesse surtout, il ne doit pas trop soucier pour son mandat », estiment plusieurs Tunisiens. Seule incertitude, le poids de sa victoire. Fera-t-il plus ou moins qu'en 2004 où il a obtenu 94,49% ? Pour eux, même du côté des législatives qui n'ont pas passionné les foules, il n'y aura pas de surprise. « Le RCD avec ses 2000.000 militants, gardera sa majorité plus que confortable à l'Assemblée nationale », disent-ils en rappelant, un, qu'il est le seul à proposer des listes dans les 26 circonscriptions du pays, deux, la « générosité » du pouvoir : réservation de 25% des 214 sièges aux huit partis de l'opposition en lice et 15 listes indépendantes. PEU DE JEUNES DANS LES BUREAUX Ecole privée Hannibal, jardin d'El Menzah. Il est midi. Au bureau 7110, il n'y a pas foule. A peine quelques vieux et une dame d'un certain âge. Aucun jeune. Y compris dans les couloirs de l'école. « Qui a voté jusqu'à cette heure ?», osons-nous demander au chef de bureau. Pas de réponse. Même ambiance au bureau 5024 de l'école El Khadra, dans la banlieue au bureau 2107, au lycée expérimental de Bourguiba, au centre ville, où nous n'avions croisé aucun représentant des candidats de l'opposition au double scrutin. «Ils n'ont pas les moyens humains et matériels pour se faire représenter », croit savoir Amel, une observatrice indépendante. Un tour en ville illustre on ne peut mieux le fossé existant entre la logistique modeste de l'opposition et la machine de guerre électorale du RCD qui est déployée partout. Comme les autres observateurs, elle donne un taux de participation approximatif au moment de notre passage. «35%», nous dit-elle. Deux heures après, la première estimation officielle est tombée. 75,29% selon TAP, l'agence de presse tunisienne. Tout est dans le meilleur des mondes ? « Pas tout à fait », estime Abdelwaheb Behi, le président de l'Observatoire national des élections présidentielle et législatives de 2009. Rencontré samedi au siège de l'observatoire et hier à l'hôtel Abou Nouass après une conférence de presse, M. Behi reconnaît quelques imperfections propres à tous les pays en phase d'apprentissage de la démocratie. De l'avis de ses collaborateurs et des plaignants, il aurait réussi « assez souvent » dans la médiation entre l'administration et le candidat et le traitement des réclamations « justifiées » et … refusé de faire endosser à l'administration toutes les « insuffisances ». Comme la distribution des cartes d'électeurs. « Les citoyens auraient pu s'inquiéter, alerter l'administration avant », dit-il, se félicitant de l'absence de toute violence ou d'un manque quelconque de respect des règles de la campagne électorale. D. B.