Au dix-septième jour des attaques israéliennes contre la bande de Ghaza, la situation demeure apocalyptique en dépit de l'afflux des aides humanitaires constituées principalement de médicaments, d'équipements médicaux et de vivres. Les souffrances de la population civile s'accentuent chaque jour davantage. Un million et demi d'habitants sont dans une situation humanitaire tragique. Des milliers de tonnes d'aides humanitaires sont en souffrance à l'extérieur de Ghaza. Pour les ONG et les agences de l'ONU, le défi de l'intervention dans le territoire palestinien est aussi logistique. "Les gens ont faim et très froid. Il n'y a pas d'électricité, pas de chauffage et pas d'eau", déclare Robin Lodge, porte-parole du Programme alimentaire mondiale (PAM), dans un résumé laconique de la situation qui prévaut à Ghaza. L'Agence de secours de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), qui distribue en temps normal des aides alimentaires à quelque 750.000 personnes, soit la moitié de la population de la bande de Ghaza, a indiqué que les stocks de vivres dans ses entrepôts à Ghaza "suffiraient pour quelques jours, non des semaines". En outre, les boulangeries de la ville de Ghaza sont menacées d'arrêt en raison de pénurie de farine et de carburant provoquée par le blocus dans ce territoire malgré une trêve conclue en juin dernier entre le Hamas et Israël. Deux points de passage permettent théoriquement de faire entrer l'aide humanitaire dans la bande de Gaza : celui de Kerem Shalom, frontalier d'Israël, et celui de Rafah, frontalier de l'Egypte. A Kerem Shalom, des milliers de tonnes d'aides humanitaires attendent d'entrer dans l'enclave palestinienne, où les réserves des ONG sont au plus bas. Le passage des cargaisons est aléatoire, dénoncent certaines ONG, telle Save the Children, qui met en cause l'irrégularité des horaires d'ouverture du terminal. "Il n'y a pas d'horaires fixes. Samedi, le terminal est resté fermé en raison du Shabbat", a déploré Benedict Dempsey, porte-parole de Save the Children. "Et dans tous les cas, il n'a pas la capacité suffisante pour absorber les cargaisons de tous les camions." Ces problèmes pratiques, dont les raisons sont souvent politiques, posent un véritable défi humain aux ONG. "L'aide arrive à la frontière dans un camion israélien. Il faut décharger manuellement les 30 tonnes de sa cargaison pour les charger ensuite dans un camion palestinien. Cela prend beaucoup de temps", note M. Lodge. S'il est ouvert en permanence, le terminal de Rafah, frontalier de l'Egypte, connaît les mêmes problèmes d'engorgement, du fait des délais de transbordement des marchandises d'un camion à l'autre. Nasir Rasmi, directeur du ministère égyptien de la Santé, a indiqué dimanche que 568 tonnes de matériel médical étaient entrées à Gaza via Rafah depuis le début de l'offensive israélienne le 27 décembre. Difficile pour les marchandises, l'entrée l'est également compliquée pour les travailleurs humanitaires. «NOUS SOMMES DÉBORDÉS» "Notre personnel palestinien est débordé", confie Marc van der Mullen, coordinateur de la mission de Médecins du monde (MDM) à Ghaza. "Nous tentons depuis le 27 décembre de faire entrer six anesthésistes et chirurgiens étrangers. Mais nous n'avons pas obtenu les garanties de sécurité" des deux parties. Cinquante médecins, dont 43 Egyptiens, sont entrés dans l'enclave palestinienne via Rafah depuis cette date. Dans la bande de Ghaza, l'intervention humanitaire est compliquée par l'insécurité et les difficultés pour se déplacer. Un chauffeur palestinien de l'Agence de l'ONU d'aide aux réfugiés palestiniens (Unrwa) a péri jeudi dans des tirs israéliens sur un convoi humanitaire. A en croire M. Van der Mullen, la trêve quotidienne de trois heures instaurée par l'armée israélienne depuis mercredi dernier n'a pas servi à grand-chose, sinon à redonner un peu "confiance" aux civils. "Désormais, ils osent sortir de leur maison que pour venir aux points de distribution", note-t-il. La mort du chauffeur avait provoqué une grève de l'entreprise palestinienne de transport travaillant pour l'ONU, et amené l'Unrwa et le PAM à cesser de jeudi à samedi leur distribution d'aides. Le PAM affirme n'avoir que trois semaines de réserves dans la bande de Ghaza. Depuis le 27 décembre, l'agence de l'ONU a distribué des repas à 96.000 civils, "ce qui n'est rien au vu de notre objectif, qui était de 360.000", raconte M. Lodge. Save the Children dit avoir de quoi nourrir 7.500 personnes pendant deux semaines. On estimait que 50% de la population de Gaza vivait sous le seuil de pauvreté avant l'offensive israélienne, qui a fait près de 900 morts. Selon l'ONU, un million de personnes sont privées d'électricité et 750.000 autres n'ont plus l'eau courante à Ghaza depuis le 27 novembre. Le délégué palestinien à l'aéroport égyptien d'El Arich, M. Adnane Djawdat, relève que la difficulté réside dans l'acheminement des médicaments par le Croissant rouge égyptien à cause des bombardements, contrairement aux denrées alimentaires transférées via le port du terminal d'El-Aoudja, à quelque 50 km de Rafah, contrôlé de l'autre côté par Israël. L'acheminement des aides est confié au Croissant rouge égyptien qui assure leur livraison à la partie israélienne, indique M. Djawdat, qui dénonce les "tergiversations" d'Israël lorsqu'il s'agit de distribuer les aides à la population de Ghaza. Les produits sont quelquefois abandonnés à l'air libre et finissent par pourrir. L'attentisme criminel israélien est illustré par certaines pratiques pour le moins absurdes comme celle qui consiste à contrôler, un à un, chaque bout de pain, chaque datte, chaque morceau de sucre à la recherche d'éventuelles munitions que l'on tenterait de passer entre les mailles du filet, fait savoir de son côté un des membres du Croissant rouge omanais. Entre les terminaux de Rafah et d'El-Aoudja, on compte un troisième terminal, celui de Karam Abou Salem, contrôlé lui aussi par les Israéliens dans les territoires occupés.