Les scènes de liesse et de communion qui nous parviennent de Khartoum ont entamé de fort belle manière la rédemption salvatrice des nobles vertus du football roi sauvées du désastre cairote et de la parodie de la haine spectaculaire. Au chauvinisme étroit tout à la gloire des Pharaons et à l'esprit guerrier de la meute de casseurs sans foi ni loi, le rapprochement dans la douleur de l'agression caractérisée, injuste et injustifiée, a manifestement redonné des couleurs à la fraternité arabe qui, si elle a souffert de la politique de caillassage et du lynchage du Caire, a renoué avec les principes immuables du respect, de l'entraide mutuelle et de solidarité concrète. La chaleur humaine de Khartoum, marquée par les injustices du Darfour de la conjuration occidentale et le bannissement de Omar Béchir par une justice internationale aux ordres des maîtres du monde, a magnifié le pacte de la dignité réduisant en poussière le deal des faussaires du Nil et de Lausanne. Car, en terre de paix et d'Islam, nul ne peut mesurer le sens du sacrifice et du refus de l'injustice que ce peuple de l'humilité, de la résistance et des souffrances indicibles a su traduire en gestes forts puisés dans la sève féconde des traditions d'hospitalité légendaire et de l'honneur. Des gestes de ceux qui savent tout donner même lorsqu'il n'y a rien à partager. Juste, la quiétude d'un toit ouvert à leurs frères de sang, la maigre pitence du quotidien de toutes les contraintes et, bien évidemment, la main du cœur éternellement tendue. La belle victoire de la fraternité algéro-soudanaise a enterré une certaine façon de concevoir le monde arabe soumis aux aléas de la quête d'hégémonie par la violence et la duplicité. L'instinct grégaire de la fausse suprématie, instruit d'une représentation déséquilibrée dans les instances continentales et internationales, consomme la faillite déclarée et admise par l'opinion mondiale révulsée par le piège cairote. Le Darfour à alibi sportif du Caire s'apparente à une fin de règne des semeurs de la haine prêchant, sur le tard, l'apaisement du criminel repu de sa forfaiture, pris la main dans le sac et incapable, jusqu'à aujourd'hui, de la moindre compassion ou de la moindre excuse d'où qu'elle vienne. La poignée de mains du pyromane Zaher, majestueusement refusée par Mohammed Raouraoua, s'offre une sortie honorable qui ne peut du reste s'expliquer, par delà les pratiques malsaines et la roublardise, par sa décision de retrait de l'Union maghrébine de football. La CAF impassible et pétrifiée dans un statut d'annexe de la Fédération égyptienne ? La tartufferie à la peau dure doit pour le moins cesser pour rétablir les fondements d'une institution démocratique à large participation de tous les acteurs africains. A l'autre bout de la chaîne de la conjuration, la FIFA qui fait de l'éthique une de ses priorités et de la bonne gouvernance sportive un de ses axes majeurs sortira-t-elle indemne du traquenard du Caire ? La fin du dernier mandat de la combine propose un Blattergate en bonne et due forme. Pour autant, qui sauvera de la dérive sanglante une institution menacée de discrimination et de discrédit ? Le syndrome du match de la honte de 1982, orchestré par l'Allemagne et l'Autriche, plane sur Zurich.