Décidément, les Egyptiens restent inconsolables. Alors que l'Algérie s'est replongée dans son quotidien, l'esprit déjà tourné sur la Coupe d'Afrique des nations qui est toute proche, et qui sera un excellent tremplin pour la préparation de notre sélection au prochain Mondial sud-africain, on en est encore aux abords du Nil à déverser, sur les plateaux de télévision, les mêmes diatribes virulentes contre notre pays, et de façon très épidermique à ressasser la même rengaine sur les raisons d'une défaite impossible à digérer parce que considérée comme une grave offense faite à la vanité pharaonique. Une campagne hystérique non stop, programmée comme un parfait exutoire pour « pleureuses » professionnelles, qui désormais amuse plus qu'elle n'affecte tout Algérien ayant encore la curiosité d'aller voir sur ces chaînes jusqu'où peut-on aller dans le ridicule. Il faut croire que cette disqualification égyptienne a fait l'effet d'un séisme dont on ne mesure pas encore l'amplitude des dégâts, provoquant en tout cas une profonde meurtrissure au sein de la société qui mettra du temps pour se cicatriser et déstabilisant fondamentalement tout l'establishment cairote, à leur tête évidemment le clan Moubarak. Sans le vouloir, notre équipe nationale de football, en sortant d'une triple confrontation extrêmement difficile, vainqueur de la manière la plus nette qui soit, a provoqué une drôle de lézarde dans le système politique égyptien qui paraissait presque inébranlable mais qui a vacillé comme un fétu de paille dès lors que ses calculs se sont avérés faux. Les politologues avisés remarqueront que le régime totalitaire de Moubarak, qui est largement contesté par une population au bord de l'explosion sociale, compte tenu des graves disparités existantes dans ce pays où le PNB est l'un des plus bas au monde, avait beaucoup investi sur une participation quasi certaine de la sélection de football au prochain Mondial pour faire taire les contestations des masses populaires de plus en plus difficiles à gérer. Seul un éclat de la balle ronde pouvait donc ressouder la fibre nationaliste et remettre à plus tard les mouvements de colère soumis habituellement aux représailles les plus féroces. Pour réaliser cet objectif qui est d'écarter le onze algérien de la course, il fallait mettre en place une stratégie de combat, un plan d'attaque multiforme dont la coordination allait échouer naturellement à la Fédération égyptienne de football, véritable tête de pont d'une organisation sournoise et machiavélique sur laquelle le système comptait pour maintenir au beau fixe le peu de crédibilité qui lui restait. Au demeurant, c'est le président Moubarek lui-même qui n'hésita pas à sonner le hallali en intimant aux joueurs de Chehata l'ordre de « se qualifier par n'importe quel moyen… ». La manœuvre a commencé par la corruption des arbitres désignés pour officier les matches des Verts. Celui qui arbitra la rencontre contre le Rwanda au stade Tchaker de Blida aurait reçu, par exemple, de la part des Egyptiens la coquette somme d'un peu plus de 100 000 euros. Elle se termina par la violence la plus inattendue. Les choses devenant, en effet, de plus en plus compliquées, il fallait sortir le grand jeu au Caire pour le match retour, le match de vérité et aussi de tous les risques. L'escalade a été ainsi ouverte à toutes sortes d'agressions contre notre délégation sur lesquelles il est inutile de revenir dans le détail. Sur le terrain cependant, les Egyptiens forts de cette mobilisation ultra chauvine ne purent qu'obtenir un sursis vite enrayé par les nôtres à Khartoum. C'est la fin des illusions, mais pour le clan Moubarak le cauchemar ne fait que commencer. Pour éviter un retour de manivelle foudroyant de la part d'une foule en délire, fortement conditionnée par des mensonges et des envolées belliqueuses, il fallait passer à autre chose. En fait, désigner un bouc émissaire, en l'occurrence ces Algériens mal éduqués qui sont venus comme des intrus piétiner les plates-bandes de Oum Eddounia. Tandis que l'élite intellectuelle, toute asservie au régime, se chargeait dans les médias et les salons de cibler l'ennemi avec une haine rarement égalée, la rue donnait libre cours à sa colère en faisant la sale besogne, c'est-à-dire la chasse aux Algériens. La manipulation des masses furieuses atteint son point culminant avant de se transformer en crise diplomatique entre les deux pays, le tort de l'Algérie dans cette triste affaire étant d'avoir simplement gagné dans les règles de l'art un match de football. Derrière la façade, c'est un mythe qui vient de tomber, celui de la supériorité présumée de l'Egypte sur l'ensemble de la communauté arabe. Si l'Egypte a longtemps régné sur le monde de la littérature, du cinéma et de la musique, de nos jours, il y a de nombreux pays arabes qui lui dament le pion. En matière de football toutefois, l'Algérie, pays plus jeune, n'a pas attendu cette nouvelle qualification à un Mondial pour lui rappeler qu'elle avait toujours un retard sur le temps. Oum Dounia, une légende qui s'effrite et qui doit donc laisser place à une vision plus réaliste avec ce pays dont la grandeur vient d'être ramenée à sa plus simple expression par une pseudo classe aristocratique volant, pour préserver ses propres intérêts, au secours d'un pouvoir aux abois. La brèche ouverte par le football algérien fera date…