Soumeya. Une personne douce aux yeux couleurs miel, la voix et la parole sages. Une femme née dans une famille aisée et une fille gâtée par des parents et des grands-parents depuis sa plus tendre enfance. Elève studieuse, elle eut son Bac les doigts dans le nez. Elle finit ses études en biologie avec des notes excellentes et eut son permis et sa voiture très jeune. Si elle a été gâtée par la vie, cette femme silencieuse et patiente a connu des années d'enfer face à sa maladie grave. Elle s'est battue comme une forcenée contre le cancer qui lui rongeait son sein. Quatre longues années où elle a tout fait pour ne pas subir l'ablation de ce qui fait sa féminité. Refus catégorique devant les médecins du CPMC d'Alger. Elle a investi ses économies dans des traitements de choc «rapportés de là-bas». Quatre années, et elle s'est cru sortie d'affaire de cette «sale maladie» que les crédules et superstitieux purs ne veulent pas nommer cancer par une dénomination qui fait peur, et qu'ils appellent sans ironie aucune, «el marbouh» (le porte-bonheur) «hadak el mardh» (la maladie). «On» lui a conseillé d'aller faire le petit pèlerinage et jeûner le ramadhan en rompant son carême avec de l'eau de zemzem. A son retour, elle jura de ne plus revenir vers l'hôpital et d'arrêter les séances de chimio et de radiothérapie. Là, elle se mit à aller voir «les guérisseurs», ceux dont parlent certains journaux. Le régime végétarien devint sa manière de vivre. Tous les cocktails aux légumes, elle les a goûtés, ingurgités toujours à jeun. Elle bannit de son existence les viandes et certains mets supposés aggraver son cas. Il n'y a pas un endroit où se trouvent ces charlatans vendant leurs potions à coups de sommes impensables qu'elle n'a pas visités. Soumeya a cru jusqu'au bout au miracle de la médecine par les plantes. Un jour, après des examens approfondis, le médecin lui annonça «qu'il n'y avait pas de trace de tumeur». Soumeya sauta de joie. Enfin, les traitements aux herbes médicinales s'étaient avérés efficaces. Elle fit le grand pèleriage et partit au hadj en offrant le prix du hadj à un homme en signe de reconnaissance au destin. Mais son bonheur fut de courte durée. Sa rage de vaincre le cancer ne vint pas à bout de «la sale maladie» ; il a fallu qu'elle se plie au verdict médical : l'ablation. Le miracle de la guérison ne se produisit pas mais celui de continuer à vivre pour ses enfants est bien là. Avec son regard clair et sa patience, sa voix douce, son courage de femme déterminée à être heureuse, Soumeya a regagné son foyer dans cette si citadine et jolie petite ville de Koléa. Et comme le chante le poète, Soumeya peut le répéter après lui : «Tout ce que j'ai failli perdre, Tout ce qui m'est redonné, aujourd'hui me monte aux lèvres, en cette fin de journée. Pouvoir encore partager, ma jeunesse, mes idées, avec l'amour retrouvé, que c'est beau, c'est beau la vie.»