C'est, aujourd'hui, que prend fin dans l'incertitude la campagne électorale pour les provinciales et les présidentielles. Une grande inquiétude pèse sur le scrutin de la peur et du chantage à la violence atteignant un niveau jamais égalé en 8 ans d'occupation étrangère. A 4 jours du vote, la menace explicite, matérialisée par l'incroyable attentat (7 morts et 91 blessés) commis au centre de Kaboul et, de surcroît, devant le quartier général de la force internationale d'assistance à la sécurité de l'Afghanistan (Fias) en pleine déroute, plonge l'Afghanistan dans un climat délétère et lourd de conséquences sur la sécurité des bureaux de vote et le déroulement du processus électoral. Dans des tracts, affichés dans leurs bastions du sud, les talibans ont appelé les habitants à ne pas «participer aux élections pour ne pas devenir une victime de leurs opérations». Pour le porte-parole du mouvement insurrectionnel, «nous utilisons de nouvelles tactiques visant les centres de vote. Quiconque sera blessé dans et autour des centres de vote sera responsable, car il aura été informé à l'avance». La bataille du scrutin de la violence est décisive. Face à la carte de l'insécurité et de l'instabilité, le gouvernement de Karzaï peut-il réussir le pari dangereux de la consolidation des bases du pouvoir imposé par la coalition internationale ? Car, outre l'équation des talibans à résoudre en toute urgence, la compétition loyale impose les règles de l'alternance dans la transparence, la régularité et le respect du choix populaire. «Dans le cas hautement probable où Karzaï gagnerait, je recommanderais la modération….Mais, c'est très improbable parce que j'ai déjà gagné», clame son challenger le plus dangereux, l'ancien ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah. La victoire de Karzaï est donnée pour certaine. D'après une enquête, menée en juillet et publiée cette semaine par l'Institut républicain international, organisme à capitaux américains, le président sortant (44%) vient largement en tête devant Abdullah Abdullah et l'ancien ministre de la Minorité Hazara (10%). Hamid Karzaï a dû ratisser large pour garantir une victoire attendue et néanmoins contestée. Dans le cadre du «partenariat national» qu'il n'a de cesse de prôner avec vigueur, le réseau d'alliance intègre des éléments de la guérilla et des anciens commandants pachtounes tels Agha Sherbaï. La stratégie d'ouverture, permettant entre autres le ralliement du ministre de l'Energie, pourtant démis de son poste de gouverneur de la province occidentale de Herat, et du redoutable Ouzbek, Abdul Rashid Dostom, se renforce d'une volonté de négociation avec les «modérés» du mouvement des talibans pour le moment sans effet aucun. Porté au pouvoir par la coalition internationale, forte aujourd'hui de 10 0000 soldats, le président Karzaï n'a pas la partie facile face à l'insurrection, maîtresse du terrain, et de ses concurrents avides de résultats probants. Mais, dans une élection, marquée par le regain de violence, le pessimisme afghan fait le reste. «Tout est joué à l'avance, note un jeune étudiant de 20 ans, Samir Azfar. Les élections n'ont pas de légitimité. Ce sont les Etats-Unis qui tirent les ficelles et le président Karzaï est leur marionnette ». Ce sentiment prévaut dans les couches populaires sceptiques sur les promesses de changement. «De quelle démocratie parle-t-on ?, s'interroge un autre étudiant Farid Ahmed. La démocratie exportée par l'Occident, cela ne peut pas fonctionner ici. Nous avons besoin d'une démocratie afghane basée sur notre héritage islamique». Dans ce scrutin de la violence et du pessimisme, la défection populaire plante le décor d'une élection de tous les paradoxes.