Photo : Lylia M. Ils ne restent que quelques uns de cette génération qui a marqué son nom à An Nasr, El Hadef ou El Moudjahid. Beaucoup partent à la retraite, d'autres nous ont hélas quittés. Aujourd'hui, la relève inquiète plus d'un, car recruter un simple pigiste relève parfois du miracle pour les chefs de bureaux locaux. Certes les CV sont régulièrement reçus avec des postulants diplômés, mais sur le terrain c'est une autre chose, le profil idéal reste rare. C'est ce qui a d'ailleurs poussé les rédactions à choisir des candidats parmi les retraités de l'enseignement par exemple pour combler ce vide. Souvent ce n'est pas seulement le style journalistique qui manque, mais c'est plus grave : c'est la maîtrise de la langue de Molière qui fait défaut. Abdelwahab Boumaza chef de bureau du quotidien d'El Watan à Constantine en sait quelque chose, lui qui voit passer sur son bureau des dizaines de CV chaque semaine. Et d'emblée, Boumaza à qui nous avons demandé de nous dresser un petit bilan sur les jeunes postulent à El Watan, nous lance une réponse sèche : «Le niveau est très bas» et de continuer «Le problème pour beaucoup de candidats c'est la langue. La langue est la base du journalisme, après il y a le don, la culture générale, et les choses qu'on acquiert au fil du temps. De nos jours, un journaliste qui ne maîtrise pas deux langues n'est pas un journaliste. De temps en temps ; on tombe sur des exceptions, je dirai que sur 20 candidats, il y en a seulement un seul qui mérite qu'on s'occupe de lui». Qui est alors responsable, l'école, les parents, ou bien le candidat lui-même ? Pour Boumaza, une bonne base du français s'append surtout au sein de la famille : «Généralement tous ceux qui ont un bon niveau de français sont les jeunes qui ont la chance d'avoir des parents qui leur transmettent la langue et qui les obligent à lire dès le jeune âge, mais apprendre les bases de la langue à 20 ans, c'est quasiment impossible. Quant aux techniques du journalisme, elles viennent après, chez nous par exemple on lance des jeunes avec un bon niveau de français et on les forge tout doucement. Quand ils arrivent à maîtriser la langue et la véhiculer, on peut dire qu'ils ont réussi. Je dis toujours à mes journalistes “s'il y a une information importante, et que tu ne sais pas la coucher, ton papier est foutu“, c'est ça le journalisme». Ce qui inquiète d'un autre coté Boumaza, c'est ce lectorat francophone qui est de plus en plus maigre, particulièrement avec les nouvelles générations qui ne lisent que la presse arabophone. Connu pour ses reportages sportifs du week-end, cela Mohamed Aggabou est depuis 30 ans derrière son micro à la chaîne trois. Lui aussi pense « qu'il est difficile de trouver des jeunes qui ont cette aptitude à faire du direct à la radio ». «Il faut nous dit-il beaucoup de choses : tout d'abord avoir une voix radiophonique sans dictons, il faut aussi acquérir une formation et maîtriser parfaitement la langue, après il faut avoir aussi du souffle et une bonne connaissance du sujet, et une culture générale. Tout cela est important, car si dans l'écrit on peut se rattraper et corriger ses fautes, à la radio c'est impossible à faire. Je pense que c'est très difficile de dénicher un journaliste avec toutes ces qualités». Mais par rapport à d'autres, Aggabou à ses débuts possédait deux atouts qui lui ont permis de surmonter la peur du direct et d'avoir un bon niveau de langue : «Je me suis formé à El Hadef dans les années 70, donc je connaissais très bien l'ambiance des stades et le jargon sportif, mais j'étais aussi enseignant de français, j'avais donc un point fort en communication.»