Avant tout, en tant que lecture, la caricature de presse est perçue, à mon sens, comme un geste ludique voire récréatif. Même si la lecture du journal n'est pas une lecture de groupe - situation propice au rire -, il n'en demeure pas qu'une caricature nous déride sans trop d'éclats. Au-delà de cette première perception, la caricature revêt la mise à nu d'une situation sous des traits saillants, apparents à l'ensemble du lectorat. Quelques traits de crayons mettent en évidence les caractéristiques d'un individu (détails physiques, tics, situation atypique...) pour le situer avec humour, drôlerie ou sarcasme. A la caricature, nous prêtons une certaine légèreté, nous tolérons ce que, en dires, peut nous sembler dérangeant. Dans ce cas, la caricature est un reflet inavoué mais acceptable, au risque que le caricaturé rira jaune. Le regard du caricaturiste est un regard aiguisé, il pratique un art spirituel et est censé implicitement reconnaître les limites du tolérable, que son art ne devienne une atteinte diffamatoire, un outrage, une nuisance. Il obéit donc à un code moral, à la bienséance. La caricature permet parfois d'insinuer ce qui ne pourrait être dit politiquement pour différentes raisons. C'est l'art de l'esquive intelligente. Chaque caricaturiste affûte ses armes ou son crayon selon un style qui lui est propre. Slim balade un couple de paysans niais mais sensibles (Bouzid et Zina) au milieu d'une ville rongée de paradoxes. Dilem, par sa caricature corrosive, est un véritable empêcheur de tourner en rond. Le Hic, à l'esprit sagace, met le doigt sur la blessure en suscitant un sourire indécis, moue à la Mona Lisa. Bien des lecteurs paient le journal pour découvrir la caricature attendue. Qu'elle serait monotone notre revue de presse sans ces artistes !