Photo : Makine F. Il ne se passe pas une semaine sans que l'on signale l'ouverture d'un bazar ou d'un centre commercial dans les quartiers animés de la ville. Les meilleures adresses du moment sont le boulevard Belouizdad, la rue Ben M'hidi, ou encore Sidi Mabrouk. Si au début, cela a suscité quelque peu l'intérêt de certains, beaucoup s'inquiètent néanmoins de l'ampleur que prend ce phénomène qui défigure de plus en plus la ville. Au boulevard Belouizdad (ex-Saint Jean) par exemple et en l'espace de deux ans, pas moins d'une dizaine de maisons et d'anciens locaux se sont transformés en petites échoppes. Et les habitants sont de plus en plus nombreux à grogner contre ces aménagements des lieux qui risqueraient de nuire sérieusement à l'architecture, déjà fragile, des maisons qui datent de l'époque coloniale. Rédha, 42 ans, lutte contre ce qu'il appelle la clochardisation de sa rue, lui qui loge ou dessus d'un de ces bazars. Il estime qu'en plus du bruit et des incessants va-et- vient des clients, il y a un danger qui menace tout l'immeuble : «En cas de catastrophe naturelle, je suis certain que toute la maison sera détruite. Mon voisin du dessous a transformé son appartement en petites boutiques de quatre m⊃2;, il a tout loué et je ne peux que constater les dégâts». L'inquiétude de Rédha est apparemment légitime, car le bazar dont il parle a tout modifié dans cet immeuble. Pour aérer et multiplier les commerces, le maître des lieux a pris un risque en ôtant les structures de sa maison sans se soucier de l'architecture. Autre curiosité dans ce boulevard : tous les commerces (des 4 m⊃2;) vendent exclusivement des produits de lingerie féminine. Simple effet de mode ou plutôt une instruction de ceux qui louent des bazars. Tout porte à croire en fait que c'est la deuxième raison qui est invoquée. «Les femmes achètent plus que les hommes, de plus les propriétaires veulent qu'on travaille avec les femmes parce que généralement on est tranquille : pas de vols, pas d'ennuis», nous dit Salah qui loue depuis un an dans un bazar. Dans la banlieue de la ville, c'est une autre manière de commercer. Des centres commerciaux de cinq à six étages voient le jour, on ne transforme pas mais on construit du flambant neuf. Comment alors est-ce possible dans un quartier qui ne compte pratiquement aucun terrain vague ni espace libre? Eh bien à Sidi Mabrouk quelques richissimes promoteurs et hommes d'affaires ont trouvé l'astuce : acheter des villas datant de l'époque coloniale, les raser puis les remplacer par des tours. Le phénomène est tel que rien qu'en faisant un tour dans cette cité jadis connue pour sa tranquillité, on ne peut que constater les dégâts : partout des chantiers dans ce quartier réputé résidentiel. Les habitants, quant à eux, impuissants, ne peuvent qu'observer l'aménagement anarchique et incontrôlé de leur quartier. Un résident que nous avons approché, nous a révélé discrètement que tous les promoteurs viennent des wilayas voisines (d'Oum El Bouaghi surtout). Plus grave encore, selon lui, ces commerces masquent un «blanchiment d'argent». Visiblement rien n'arrêtera ces parvenus. On se demande alors comment ils ont pu transformer radicalement la face de tout un quartier ? Ne faut-il pas toute une tonne de paperasse et d'autorisations pour acheter, raser puis reconstruire ? Les responsables ne devraient-ils pas se soucier avant tout de la sécurité, la tranquillité et de l'environnement des citoyens ? Des questions qui encore une fois restent en suspens.