Photo : Fouad S. Timimoun, beaucoup plus connue par sa vocation touristique, renferme une vingtaine de Zaouïas, dont la réputation dépasse la contrée. La région de Gourara, qui dominait par sa culture ancestrale, regorge, en effet, de walis et autres oulémas bien versés dans la chose religieuse. Durant la longue histoire de cette région du grand sud du pays, appelée aussi «l'oasis rouge», la zaouïa a constitué l'école, par excellence, du Coran et des sciences religieuses. Ouled Hadj Aissa, Tinerkouk, Cherouine, Tidikelt, Tablkouza, pour ne citer que celles-ci, sont autant de localités de la Daïra de Timimoun où ces lieux de culte sont fortement implantés. C'est en ces endroits précis que se manifeste l'hospitalité légendaire des sahariens, et notamment des gouraris. Dans la conception de ces lieux, voire de leurs propres habitations, les gens du sud prévoient, d'ailleurs, un vaste espace pour les invités. Du thé, des dattes et des sortes de crêpes mielleuses sont servis généralement aux hôtes. Ces derniers, des visiteurs ou «zouars» s'y rendent- dans la majorité des cas- spécialement pour une demande d'une bénédiction en vue d'une guérison ou l'éloignement d'un mal quelconque. Une autre catégorie de visiteurs le fait pour une commémoration d'une waâda (fête de réjouissance) avec, comme de coutume, un cadeau pour la zaouïa. Généralement, si le demandeur est exaucé dans ses voeux par la grâce du Cheikh «taleb» de la zaouïa, il le récompensera discrètement. A vrai dire, ces pratiques, devenues avec le temps des traditions, ne sont pas propres à Timimoun puisque elles sont légion au pays. L'exemple éloquent illustrant de près ce genre de pratiques est celui du jeune Mohamed, 24 ans, handicapé, de la localité d'El Djir distante de quelques dizaines de kilomètres du chef lieu de la daïra, rencontré au chef lieu. «Je suis devenu, d'une manière soudaine, handicapé depuis l'année 2001. J'ai visité les grands hôpitaux du pays pour des soins, y compris l'hôpital militaire de Ain Naadja, mais en vain. J'ai la partie inférieure de ma jambe paralysée depuis des années. Les multiples radios et toutes sortes de soins entrepris n'ont donné aucun résultat. Cependant, depuis quelques mois un ami m'a conseillé d'aller voir ici à Timimoun, un taleb, herboriste de surcroît, pour me soigner. Ce taleb fait beaucoup plus de la rokia pour les patients. Au départ, j'ai hésité car je ne crois pas trop à ce genre de pratiques. Cependant, devant l'insistance de mes amis, voire même de ma famille, j'ai décidé de lui rendre visite. Dès la première séance, ce taleb m'informa que la paralysie de ma jambe est due à un «sihr» (sorcellerie) que j'ai piétiné quelque part dans mon quartier». Tout comme Mohamed, nombreux sont ceux qui croient à ces pratiques. Des anecdotes allant dans ce sens parlent des personnes, étrangères à la région, qui s'y sont retrouvées retenues pour ne pas dire coincées, généralement suite à des rapports entretenus avec des femmes. «Beaucoup de gens, venus d'ailleurs, se sont installés ici pendant de longues années. Ils se sont même mariés. Il y a ceux qui partent par la suite, et d'autres qui restent. Ça dépend de la dose du sihr reçue, il est parfois même renouvelable. De toute façon, la sorcellerie est très répandue ici, il faut faire attention », raconte M. Rafik, père de famille, originaire, dit-il, d'Alger. Par contre, ce genre de croyance n'est point partagé par d'autres personnes, majoritaires d'ailleurs : «Moi, je ne crois pas à ces superstitions. Je vis ici depuis presque quinze ans avec ma petite famille. C'est ici que j'ai rencontré la femme de ma vie, une belle fille de Gourara que j'aimais et j'aime toujours. Je gagne ma vie tranquillement dans cette région et, tant mieux, si c'est le résultat de la sorcellerie », témoigne M. Mekhlouf, la cinquantaine passée, natif de kabylie.