La crise économique mondiale et celle énergétique qui aurait pu en découler ont laissé entrevoir la possibilité d'une grave crise alimentaire de portée planétaire, et il est désormais acquis au sein des analyses prospectives que la menace, l'une des plus importantes, à prendre en ligne de compte dans tout tracé stratégique national ou de portée internationale, doit être celle regardant le risque d'un choc alimentaire mondial. On a pu voir comment successivement, deux faits ont provoqué le vacillement de l'équilibre alimentaire du tiers des pays de la planète et si, aujourd'hui, on n'est pas en train de gérer une crise alimentaire planétaire, c'est parce que la durée des crises a été trop courte, dans les deux cas, pour que celles-ci achèvent de faire leurs ravages. Ce fut d'abord la flambée des prix du pétrole qui ont atteint un niveau qui a poussé certains pays à détourner leurs productions agricoles vers la production de biocarburants ; ce qui, outre un coût prohibitif de l'énergie, a produit une augmentation vertigineuse des prix des produits alimentaires sur les places boursières internationales. Et c'est ensuite la débâcle financière et la crise économique consécutive qui ont fini de fragiliser plus de la moitié des pays de la planète. A cette situation s'ajoute un abandon d'une partie des engagements de la part des pays riches par rapport aux ambitions du millénaire. Soumettez des faits aussi lourds de conséquences à un pays en développement qui achète l'énergie qu'il consomme, qui doit importer une bonne partie de ses besoins alimentaires, qui a, d'une manière ou d'une autre, subi les effets de la crise financière du fait de la mondialisation et qui ne peut plus compter sur des aides promises sur lesquelles se fonde, en partie, sa stratégie de développement, quand par ailleurs nul n'ignore le poids incommensurable de la dette extérieure sur celui-ci. Soumettez donc tous ces faits à ce type de pays, et, moyennant la multiplication du nombre de ces pays, à travers la grande cartographie, combien réelle, du monde pauvre, vous obtenez une catastrophe planétaire. Faut-il attendre qu'il y ait une crise économique majeure pour prendre la mesure d'une telle menace ? Il a suffi des contrecoups de la crise qui a précédé pour voir s'opérer des retranchements nationalistes et des replis de générosité, des revirements par rapport à des engagements. Qu'en serait-il si une crise de cette dimension donnait lieu aussi à des conflits armés ? Rien n'y fait. A prendre acte de cette réalité et ses menaces, il n'y a qu'une seule option à prendre : développer et améliorer ses capacités de production alimentaire en vue d'une solution salutaire et qui ne coïncide pas moins avec les objectifs stratégiques de développement : la sécurité alimentaire.