Les ministres des Finances des 27 ont approuvé, dimanche soir à Bruxelles après dix heures de négociations, la création de plusieurs mécanismes financiers d'urgence dont les chiffres donnent le tournis. Pas moins de 750 milliards d'euros seront mobilisés « si nécessaire » pour stopper la crise budgétaire grecque qui menace d'emporter dans son sillage le Portugal et l'Espagne et mettre hors état de nuire la meute des spéculateurs. Ce montant, sans précédent, y compris lors des moments les plus forts de la crise financière mondiale en 2007-2008, sera composé de 60 milliards de prêts ui seront apportés par la Commission européenne, 440 milliards de prêts ou garanties par les pays de la zone euro et 250 milliards de prêts par le Fonds monétaire international. L'idée d'un « gouvernement économique européen » doublé d'un durcissement de la discipline budgétaire inscrite dans le Pacte de stabilité est relancée. Les Etats-Unis prennent la crise grecque au sérieux. Ils pressent l'Union européenne de prendre des mesures « énergiques » pour rassurer les marchés. Mise au pied du mur, l'Europe réagit. Elle met sur la table une somme colossale pour rassurer ses membres et les bourses du Vieux continent en espérant avoir fait le nécessaire pour endiguer la crise financière définitivement et faire échec à « toute tentative pour affaiblir la stabilité de l'euro » pour reprendre l'expression de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne. Ce « grand pas en avant » qui sera probablement complété par un renforcement significatif de la discipline budgétaire par l'Espagne et le Portugal pourraient, selon les experts, calmer les marchés à court terme. Pas plus. Pour eux, les questions de fond posées par cette crise sont là. Comme la volonté des grands contributeurs de poursuivre leur apport sur la durée. Comme l'Allemagne où les électeurs qui refusent d'aider la Grèce ont sanctionné dimanche Angela Merkel la chancelière, en lui retirant sa majorité au Bundesrat. Ou la Banque centrale des 16 pays de la zone qui a annoncé son intention d'acheter de la dette publique et de la dette privée dans la zone euro alors que jeudi elle s'était refusée à ces mesures. Ou le fait de continuer à emprunter qui hypothèque l'avenir des prochaines générations. Ou encore la possibilité que la Commission devienne un créancier doté de pouvoirs qui pourraient réduire à néant les dernières illusions de souveraineté. « Nous sommes prêts à accélérer la réforme financière », annonce depuis New York, Michel Barnier, le Commissaire européen chargé des Services financiers, évoquant sur sa lancée le besoin de « plus de coordination et de supervision des politiques économiques et budgétaires » en zone euro. La Commission européenne pourrait annoncer demain une nouvelle série de propositions pour encadrer les transactions financières et « moraliser » les agences de notation, accusées de manipuler leurs « ratings » et d'affoler les marchés. 60 ans, jour pour jour, après Robert Schuman qui a clamé : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble, elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord des solidarités de fait », les temps seraient-ils à la mode eurosceptique ? En attendant le dénouement de cette crise grecque, l'Union européenne s'apprête à confier sa présidence à la Belgique dont le gouvernement est dissous et à accepter peut-être la démission de Lady Ashton, la Haute représentante de l'UE aux Affaires étrangères.