Photo : Fouad S. Le patrimoine phœnicicole de Ouargla qui s'étend à perte de vue dans les multiples oasis et qui constitue une ressource importante pour les habitants, est en proie à des dangers. Les incendies, essentiellement, sont à l'origine de ce risque majeur. Au mois de mars dernier, plus de trois mille palmiers dont un millier d'arbres productifs sont partis en fumée. Quand on sait qu'un palmier a besoin de 6 ans pour donner les premiers fruits et 20 ans pour atteindre la maturité nécessaire à la plénitude de sa production, on imagine aisément le manque à gagner. En vraie capitale du désert, entourée de cinq petites oasis (Beni-Thour, Sidi Khouiled, Chott, Rouissat, Said Otba et N'goussa), la ville de Ouargla, nichée à 128 mètres d'altitude, se développe et se construit. L'expansion de Ouargla, la ville, n'est pas sans danger sur la faune et la flore qui font sa réputation à l'instar des autres villes du grand sud algérien. On évalue à environ un million le nombre de palmiers. Les oasis sont irriguées à partir de puits artésiens d'une profondeur moyenne de 60 mètres, on en compte plus de 800 dans la région. Sa richesse basée essentiellement sur sa palmeraie est en péril. Et pour cause : les feux de forêts demeurent à l'origine de la destruction annuelle d'un riche patrimoine phœnicicole, principale source vivrière pour la population locale. Des feux de cimes qui se propagent à grande vitesse dans des palmeraies où l'accès des véhicules d'intervention est pratiquement impossible au regard de la densité des palmiers, plus de 200 à l'hectare, et de l'exiguïté des passages. Dans la plupart des cas, ce sont des palmeraies abandonnées par les héritiers et qui ne subissent aucun entretien comme les primordiaux travaux de débroussaillage. Ce sont ainsi des milliers de palmiers qui sont ravagés chaque été par les flammes, une perte énorme. « La négligence par les fellahs de leurs palmeraies constitue l'un des facteurs principaux à l'origine de la déclaration de feux dans les palmeraies de la wilaya de Ouargla » a fait savoir le Colonel Mohamed Mokhtar Baamer, directeur de la Protection civile. «L'indifférence vis-à-vis du nettoyage et du débroussaillage des palmeraies est l'un des principaux facteurs de l'incendie déclaré le 31 mars écoulé dans une palmeraie de 10 hectares, située dans la zone Beb Sbâa dans la périphérie de Ouargla et qui a ravagé plus de 3.000 palmiers, dont un millier de palmiers productifs» dit-il. Ce même responsable affirmera que « les grands moyens et le nombre important des sapeurs pompiers mobilisés contre ce sinistre, ont fait éviter le pire aux 8.000 palmiers et aux habitations limitrophes». Le nombre des palmiers ravagés s'est multiplié à partir du mois de mars soit au début de la période des vents de sable. Selon le colonel Baameur, cette situation est très alarmante d'autant plus que les palmeraies atteintes ont perdu l'essentiel de leur couvert végétal lors de ces incendies. 28 744 PALMIERS DÉTRUITS EN CINQ ANS Les statistiques établies par la protection civile démontrent que les incendies vont crescendo. En 2009, les agents de la protection civile ont effectué 349 interventions et enregistré la perte de 7598 palmiers. En cinq ans (2005-2009) les sapeurs pompiers ont enregistré 1432 interventions et la destruction de 28 744 palmiers. Rien que pour le premier trimestre de l'année en cours, la P C a enregistré 93 interventions et la destruction de 4000 palmiers. Les trois quarts (3/4) de ces palmiers sont productifs. Cet arbre de providence du Sahara a besoin de 6 ans pour donner les premiers fruits et 20 ans pour atteindre la maturité nécessaire à la plénitude de sa production. Or, le feu vient anéantir en quelques minutes tant d'années de vie et d'espoir en une récolte parfaite. On comprend aisément les énormes pertes enregistrées par les propriétaires. Il est par ailleurs souligné que les feux des oasis sont également liés à l'invasion du béton dans les zones agricoles où les palmeraies situées en façade et désormais même celles situées en ville sont « victimes d'incendies criminels » ayant pour but de détourner ces terres de leur vocation première. Des villas ont ainsi supplanté des palmeraies luxuriantes ces dernières années dans une totale impunité, nous apprend-on. La Direction de l'urbanisme, de la construction et de l'habitat ( Duch) de Ouargla a d'ailleurs publiquement annoncé lors d'une journée d'étude sur l'urbanisme, que ses services refuseraient systématiquement les demandes de permis de construire sur des terrains à vocation phœnicicole. Mais, cela suffira-t-il puisque de nombreuses constructions ont pu être édifiées jusque-là ? Les propriétaires de leur côté estiment que l'urbanisation de la ville et son expansion extension nécessite « une délocalisation des palmeraies. Le béton envahit les forêts et le comportement de certaines gens est à déplorer. On vient se distraire, allumer un feu et partir sans prendre conscience des méfaits accomplis ». « De nouvelles oasis sont en voie de création à la sortie de la ville dans le cadre de la valorisation des terres mais, il faudra attendre un long moment avant de voir les fruits » avoue un propriétaire. La forêt ce n'est pas seulement le palmier dattier mais toute une agriculture qui émerge aux alentours. De la salade, de la tomate et même des fruits (grenade, raisin) pullulent dans les terres arrosées en abondance. « Avec ces incendies, c'est notre moyen de substitution qui est menacé » dira le propriétaire d'une palmeraie magnifiquement entretenue. Des allées de palmiers dattiers de variétés Deglet Nour et Ghars à perte de vue. L'espace laissé entre les palmiers est bien étudié et permet de semer d'autres fruits et légumes. Un grand bassin fait office d'un barrage pour parer à tout incendie et laver les légumes récoltés. Entre chaque palmeraie, des haies sont soulevées pour délimiter les propriétés. C'est justement ces haies à base de palmes et d'herbes séchées qui sont contestées par la Protection civile qui estime qu'elles constituent un véritable départ de feu. La visite des palmeraies nous a permis de constater les dégâts des incendies et mesurer la portée de la demande des propriétaires de délocaliser leurs palmeraies à la sortie de la ville.