Peine Nadia se tait. Des larmes brillent dans ses yeux. Sa mère la dévisage un moment et son c?ur se serre davantage. Les enfants sont couchés ? demande Nadia en enlevant sa abeya et le grand foulard blanc qui cachait ses longs cheveux châtain clair. Assise près de la fenêtre où elle guettait sa fille depuis plus d?une heure, Safia ne répond pas, gardant son air boudeur. ? Mais enfin, yemma ! Tu sais bien que j?étais chez mon amie Louisa? Et Mourad ne rentre qu?à vingt heures. ? Et s?il rentrait plus tôt, répond sa mère d?un ton brusque. Qu'est-ce que je lui dirais ? Hein ?? Tu veux takhli darek (ruiner ta maison) de tes propres mains. Je ne supporte plus tes sorties en cachette? Tu me rends ta complice ! Et puis? La vieille femme lance un regard par la fenêtre comme si elle craignait de voir surgir Mourad. ? Et puis? je sais où tu vas ! tu rencontres un homme ! Tu crois que je dors sur mes deux oreilles, ya mahboula ? Une rougeur soudaine envahit le visage de Safia et ses mains maigres et veinées s?agitent un moment d?un geste désespéré, que Nadia connaît bien. ? Voyons yemma ! dit-elle câline, en s?approchant de sa mère, nous avons beaucoup parlé de la vie que me fait Mourad. Tu sais bien ce que j?endure avec lui? Il ne m?achète jamais rien, pas même une paire de bas? Et puis, j?ai besoin de me changer les idées, sinon je deviendrais folle? Et puis? Nadia se tait, des larmes brillent dans ses yeux. Sa mère la dévisage un moment et son c?ur se serre davantage. ? Il faut dire ma fille que ton destin messaoued? Qu?as-tu fait pour mériter un mari pareil, pourtant il ne te manque rien, il ne te mérite pas, ce pingre. La jeune femme tourne vers sa mère son beau visage et des larmes coulent sur ses joues, qu?elle ne prend pas la peine d?essuyer. ? S?il m?accordait un peu de considération et s?il m?entretenait comme c?est son devoir, je jure yemma que jamais je ne regarderais un autre? Et puis? Soudain un large sourire fait place à la tristesse, et les traits de Nadia s?éclairent. Elle va chercher son sac qu?elle a déposé sur la table et en retire un bracelet en or qu?elle soulève triomphalement. ? Regarde, yemma ! c?est Faouzi qui m?en a fait cadeau? ? Faouzi ? Tu veux dire? Faouzi l?ami de Mourad ? ? Oui c?est un homme sérieux, divorcé? Il m?a demandé de divorcer à mon tour pour l?épouser? Il est très sérieux. Safia prend le bijou dans sa petite main sèche, le soupèse, examine, les yeux plissés, les fines ciselures, à la lumière. ? Oui, concède-t-elle, il est beau? mais? ? Il est fou amoureux de moi, et puis, regarde aussi. La jeune femme excitée maintenant va dans sa chambre, puis revient avec une grosse liasse de billets de banque. Elle la dépose sur les genoux de sa mère. ? C?est lui qui m?a donné ça ! Elle regarde sa mère, qui observe un long silence, les yeux fixés sur l?argent. ? Mais?, finit-elle par dire?, cet homme doit avoir des sentiments très forts pour te donner tout ça? et toi, que comptes-tu faire ? ? Je ne sais pas, yemma ! Il y a les enfants? J?hésite à les priver de leur père. Ou bien la loi me les prendra dès que je serai mariée? je ne sais que faire. (à suivre...)