Quelques jours plus tard, le voilier arriva à bon port. Dhia, dans son habit d?or, accueillit aimablement ses hôtes, mais son regard fatigué trahissait toujours une profonde amertume. À ses côtés se tenaient les deux s?urs aux paupières rouges et gonflées et la vieille Oum El-Kheïr au nez comme un melon mûr. ? Dites-moi, avez-vous vu des merveilles dont je n?ai encore jamais entendu parler ? interrogea le roi. ? Nous avons souvent navigué là où un rocher hostile se dressait dans la mer, conta l?un des marins. Une ville magnifique aux coupoles dorées y a fleuri. Aux portes du palais, dans une maison de cristal, un écureuil casse des noisettes et en sort des émeraudes grosses comme le poing. Il y en a tant et tant qu?une colline éblouissante comme le soleil de midi s?élève jusqu?à toucher le ciel. À l?aube, la mer se soulève et de ses vagues déferlantes qui viennent s?écraser sur les rochers sort une armée de chevaliers en armures brillantes. À leur tête se tient un vieil homme aux longs cheveux blancs. Le puissant Mikad les accueille. Le pays est sous la protection des forces mystérieuses de la mer. ? Vous m?avez déjà raconté tout cela, dit le roi, ne cachant pas sa déception. ? Grand roi Dhia, ajouta le plus jeune de ces marins, nous avons gardé le plus beau des miracles pour la fin. Mikad nous a présenté sa jeune épouse. Son visage est celui d?un ange, ses joues ont la couleur des roses, ses yeux brillent comme le soleil de midi. La lune se couche dans ses cheveux et son front nacré a l?éclat des étoiles. Elle est plus belle encore que le plus beau des rêves ! Le jeune et beau seigneur t?envoie ses sincères salutations et attend ta visite. ? Trouvez-moi un navire, s?écria Dhia, le meilleur de tous, qui puisse sillonner les mers. Nous attendrons des vents favorables et nous naviguerons vers l?ouest. La vieille Oum El-Kheïr et les deux méchantes s?urs essayèrent en vain de dissuader le roi, mais, cette fois, rien n?y fit. La décision de Dhia était ferme. ? Taisez-vous ! hurla-t-il. Je suis las de vos caquetages. Je veux rencontrer Mikad et voir de mes propres yeux toutes les merveilles qu?on m?a racontées. Quelques jours plus tard, Mikad regardait par la fenêtre la mer bleue et calme, que seule une légère brise agitait, Soudain, il aperçut à l?horizon des voiles gonflées, blanches comme la neige. Des navires majestueux ? toute une flottille ? s?avançaient vers son île. Autour des mâts, qui brillaient au soleil, tournaient des cormorans. ? Ma chère mère ! s?écria Mikad, le c?ur rempli de joie. Regardez qui arrive ! Est-ce mon père, l?homme à l?habit brillant comme les étoiles, au front resplendissant de perles, qui se tient sous le baldaquin ? Est-ce le grand roi, votre époux bien-aimé ? Une canonnade rompit le silence, les cloches sonnèrent à tout vent. Une foule se rassembla dans le port pour acclamer le roi. Dhia posa le pied sur la terre ferme et tendit la main à Mikad, puis au milieu des cris de joie, il se dirigea vers le palais. La vieille Oum El-Kheïr et les deux méchantes s?urs le suivaient tremblantes de peur. Mikad, en les voyant dans cet état, se mit à rire car il était si heureux que toute colère l?avait quitté. Aux portes du palais, les trente-trois chevaliers aux armures resplendissantes firent au roi une haie d?honneur. Au pied du sapin qui touchait le ciel, l?écureuil dans sa maison de cristal cassait des noisettes pleines d?émeraudes. À cet instant, l?épouse de Mikad sortit pour l?accueillir. Le roi n?avait jamais vu une jeune femme aussi belle. Ses joues avaient la couleur des roses. Ses yeux brillaient comme le soleil de midi. La lune se couchait dans ses cheveux et son front nacré avait l?éclat des étoiles. Elle sourit au roi en lui tendant les bras. La mère de Mikad s?approcha à son tour. Dhia devint soudain très pâle. Rêvait-il ou était-il éveillé ? Était-ce sa femme bien-aimée qui se tenait devant lui ? Mikad, ce beau et fier garçon, était-il le fils qu?elle lui avait promis ? L?amertume, la peine, la tristesse disparurent en un instant de son regard il serra sur son c?ur sa femme son fils, et sa belle-fille. Et la vieille Oum El-Kheïr ? Et les méchantes s?urs ? Prises d?une peur bleue, elles s?étaient cachées derrière une armoire ! Quand on les retrouva, elles n?étaient pas belles à voir ! Sales, couvertes de toiles d?araignée, de vrais épouvantails. Le roi, tout à son bonheur, éclata de rire en les voyant. ? Que le diable emporte ces femmes perfides ! dit-il en détournant la tête. Le festin fut joyeux. Le roi dansa toute la nuit avec sa femme. J?y étais ! J?ai partagé avec Dhia et son fils bien-aimé tous les mets délicieux ; mais j?ai repris mon chemin, et partout où je passe, je raconte cette merveilleuse histoire aux enfants.