Réapparition n Bien ancrée dans la société laghouatie pour toute activité d'essence collective, la tradition de solidarité séculaire dite «touiza» revient à l'occasion de la campagne de moissons-battage, en cours actuellement. Chaque année à la même période, des groupes compacts de moissonneurs que les propriétaires terriens auront sollicités, se mettent à sillonner les vastes greniers de la région pour la moisson de la récolte arrivée à maturité, bénéficiant, en contrepartie, de la zakat rattachée à la production céréalière communément appelée a'chour. Réalisés au titre de chantiers de travail volontaire, ces travaux sont menés, dès l'aube, par des dizaines de moissonneurs au rythme de chants de circonstance louant le ciel d'avoir permis une production abondante ou, en tout cas, suffisante pour les besoins locaux. Le développement de l'agriculture mécanisée et ses moyens modernes multiples avec épandage d'intrants agricoles et de produits phytosanitaires n'empêchent pas certains agriculteurs de préférer, par nostalgie ou par fidélité aux ancêtres, les moissons et le battage à l'ancienne à l'aide de faucilles et de serpes et avec tout l'accoutrement qui va avec. El-Hadj Mohamed, un céréaliculteur octogénaire de la région, se fait l'avocat de la tradition et se dit pour la consécration de l'acte séculaire de la touiza qui reste, dans l'imaginaire collectif, synonyme de raffermissements familiaux et d'ancrage de l'entraide sociale, soutient-il. Pour l'ensilage de leurs produits, certains ont recours, à l'instar des troupes de la touiza, aux moissonneurs spécialisés connus sous le pseudonyme chawalla qui se chargent de la moisson et de la récolte à la faucille moyennant une somme journalière proportionnelle à la tâche. L'action de la touiza ne se limite pas à la moisson. Elle doit également toucher le battage, nécessitant l'aménagement d'aires et la mobilisation de mulets. Vu la nature des terres appartenant – dans cette région – aux arouch (tribus) et délimitées par des repères pour chaque lopin de terre emblavé, les groupes de moissonneurs au titre de la touiza et par respect aux terres riveraines et aux consignes du propriétaire qui s'emploie à baliser ainsi les territoires qui se veulent sacrés et inviolables, laissent sur place des gerbes d'épis en signe de bon voisinage et d'entente. La touiza concerne d'autres activités d'utilité communautaire, dont la tonte du cheptel, le nettoyage de la laine et le tissage, et demeure ainsi, en dépit des mutations qu'a connues la société, un acte symbolisant la solidarité et la cohésion sociale.