Appel n «Je souhaite que les responsables qui viennent, ici, pour se recueillir sur les restes des maisons traditionnelles, daignent, un instant, se pencher sur l'avenir de ce village et le danger qui guette ses habitants» Le village d'Aït el-Kaïd relevant de la commune d'Agouni Gueghrane, à une quarantaine de kilomètres au sud du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, est en déperdition progressive. Classé en septembre 2006 patrimoine national, vu son importance à la fois architecturale et archéologique, il n'a pourtant bénéficié d'aucun programme de réhabilitation. «Son classement n'a finalement servi à rien ! On l'a classé pour le détruire et non pour le préserver», regrette Ahmed Yazid, un élu de l'APC d'Agouni Gueghrane. Situé au pied du l'imposante montagne de Djurdjura, Aït el-Kaïd est pratiquement le dernier village en Kabylie qui conserve encore son aspect ancien. Selon les témoignages des habitants du village juxtaposant ce lieu traditionnel, qui l'ont presque tous quitté, les habitations se dégradent de jour en jour. Les conditions climatiques, notamment les pluies torrentielles en hiver et les vents, mais aussi l'absence d'un programme de réhabilitation ou du moins des travaux de confortement pour les maisons dont la plupart ont perdu leur aspect. «Des maisons, qui, il y a cinq ans, conservaient encore leurs murs intacts, sont en ruine aujourd'hui», note un habitant qui se dit avoir assisté à plusieurs visites d'officiels dans ce village. «Chaque année on enregistre plusieurs visites de responsables, des délégations étrangères. Mais une fois qu'ils ont visité et admiré le site, ils repartent en nous faisant des promesses qui n'ont jamais été tenues», affirme-t-il. Lors d'une visite effectuée dans ce village, on a constaté de visu l'état lamentable dans lequel se trouve ce site dont les sentiers étroits ont été immortalisés dans de nombreux films et documentaires sur la Kabylie en général et sur Aït el-Kaïd en particulier. Les vestiges des maisons, souvent sans toits et inaccessibles, sont couverts de broussailles. Le sentier principal a été aménagé en béton grâce à la conscience des villageois qui veulent «le préserver pour les générations futures», dit-on. Mais que peuvent faire ces malheureux habitants frappés de plein fouet par la pauvreté et des conditions de vie difficiles pour un site qui nécessite l'intervention d'une multitude de services spécialisés ? Na Tassaâdit, une vieille de 67 ans surnommée la gardienne du temple, garde toujours la maison de ses ancêtres en bon état. Elle demeure encore dans ce village au milieu des ruines datant de plusieurs années, avec quelques habitants qui sont contraints d'y vivre. Cependant, Na Tassaâdit ne cache pas sa colère en dépit de sa générosité. «Oui j'accepte que tous viennent ici pour visiter et voir cette maison ancestrale. Mais je veux aussi qu'ils comprennent comment cette demeure est restée intacte au moment où la majorité est en ruine», se lamente-t-elle. Selon elle, la maison où elle vit toujours, mérite une prise en charge réelle. «Je souhaite que les responsables qui viennent, ici, pour se recueillir, photographier et répertorier les restes des maisons traditionnelles, daignent, un instant, se pencher sur l'avenir de ce village et le danger qui guette ses habitants.» Na Tassaâdit fait face à des difficultés qui s'accumulent avec son âge avancé. Elle dort avec la peur au ventre sous un toit qui menace de tomber sur sa tête. «L'eau coule rarement durant l'été et je suis obligée de descendre dans la plaine pour en rapporter», se plaint-elle. La gardienne du temple souhaite en effet que les responsables se penchent sur l'état du site d'Aït el-Kaïd et cette maison qui, jusqu'ici, est préservée.