Constat n Barry Saïdou livre dans cet entretien son point de vue sur le théâtre africain. InfoSoir : Parlez-nous des pièces présentées durant le Festival international du théâtre d'Alger. Barry Saïdou : Le théâtre africain, d'une manière générale, est un théâtre toujours engagé et militant. La plupart des pièces que j'ai vues et qui ont été présentées durant le festival interpellent et questionnent le public. Toutes revêtent un caractère social ou ont une portée politique. Leur contenu se présente comme un procès ou comme une critique sociale. En fait, elles posent des problématiques liées et au social et au politique. Et sur le plan de la forme ? Ce qu'on peut dire sur le plan de la forme, c'est que les comédiens sont porteurs d'un jeu réfléchi et recherché. Ils ont développé un jeu qui leur est propre. Un jeu mûr et naturel. Ils rentrent parfaitement dans la peau de leur personnage. Quant au niveau du texte, les pièces ne relèvent pas du divertissement, et lorsqu'il y en a, c'est seulement pour véhiculer un message. Le texte interroge et fait réfléchir. Et pour ce qui est de la mise en scène ? Pour la mise en scène, tout ce que je peux dire, c'est qu'elle est originale. Il y a vraiment de très belles adaptations. Toutes sortent de l'académisme. Les metteurs en scène enracinent leur pièce dans le vécu actuel, c'est-à-dire dans le quotidien de la société africaine. J'ai pu également constater que les mises en scène sont quasiment toutes dépouillées. Elles reposent sur le comédien, son personnage et le jeu qu'il entreprend. Parallèlement aux mises en scène sobres, il y a celles qui sont lourdes et qui se présentent avec un décor et une scénographie riche et étoffée. Ce sont les grandes fresques. Leur fonction consiste à donner de l'importance à la pièce et conférer un sens au jeu. Qu'en est-il de l'esthétique ? Il est question d'un esthétisme qui ne se sacrifie pas exclusivement au beau, mais qui ressuscite la splendeur du passé. Il valorise le patrimoine culturel ainsi que l'histoire et l'identité des sociétés africaines. Cela apparaît dans la façon dont la scénographie a été imaginée. Par cela, on sent une volonté d'intégrer les potentialités des rites traditionnels dans le jeu théâtral qui, elles, contiennent une dramaturgie. Le théâtre convoque et récupère sur la scène les rites et les us ancestraux afin d'en faire un langage théâtral ou une forme d'expression scénique. C'est pour en faire un théâtre moderne, sans toutefois renier une part de son africanité. Comment peut-on définir le théâtre africain ? Personnellement, je n'aime pas les définitions. Parce que cela fige et simplifie. Définir le théâtre africain, c'est l'enfermer dans des mots. Mais si je suis amené à donner une définition, je dirai d'abord que c'est un théâtre qui appartient à un continent. Ensuite, il n'y a pas qu'un seul théâtre. Il y en a plusieurs. Il est riche et divers. Chaque société, chaque pays propose un théâtre qui lui et propre, c'est-à-dire qui véhicule son appartenance culturelle et identitaire, et chaque théâtre propose une manière de le pratiquer. Toutefois, quels que soient le théâtre, son genre ou son appartenance, on s'y reconnaît en tant qu'Africain. Car toute l'Afrique et dite et représentée. Autrement dit ? Nous avons une appartenance commune, une histoire partagée. Nous vivons dans les mêmes réalités et nous subissons les mêmes préoccupations. Nous sommes semblables, même si géographiquement nous sommes différents, même si chacun affiche – ou revendique – une spécificité. En fait, ce que je peux dire, c'est qu'on se ressemble plus qu'on se différencie. *Critique d'art dramatique burkinabé En quête d'un public l Que peut-on dire actuellement du théâtre africain ? Répondant à cette question, Barry Saïdou dira : «C'est un théâtre qui est à la quête d'un public. Aujourd'hui, le théâtre africain, et à travers tout le continent, est confronté à un problème de création et de diffusion à l'intérieur même du continent. D'où, d'ailleurs, l'importance du Panaf. C'est pour cela que le Festival culturel panafricain est important. Il permet l'établissement de contacts et d'échanges entre les différents acteurs du 4e art. Tout comme il permet de mettre en place un réseau favorisant le rapprochement entre les dramaturges africains et privilégiant un partenariat Sud-Sud.» «Il faut que la création puisse pénétrer le Maghreb, et inversement», souligne-t-il, insistant sur le fait qu'«il est important d'instaurer et de promouvoir des mécanismes en vue de privilégier une coproduction Sud-Sud. C'est à ce moment-là que le théâtre africain retrouvera le public et qu'il ne sera pas contraint à se prostituer auprès de producteurs et d'un public étranger (européen).»