Interview n Catherine Komé est une metteur en scène malienne. Elle participe avec sa troupe au Festival international du théâtre d'Alger. InfoSoir : Parlez-nous de votre venue au théâtre... Catherine Komé : Je suis dans le théâtre depuis 1980. Chez nous, au Mali, chaque quartier a un théâtre, alors très petite, je le fréquentais. D'où cette passion pour l'art des planches. Faire du théâtre ne vous pose pas de problème en tant que femme ? Avant, c'était difficile pour une femme de faire du théâtre. J'avoue que j'ai eu des problèmes. La société nous voit d'un mauvais œil et nous rejette. C'était quelque chose de tabou. Parce que pour les gens, le théâtre n'est pas un métier. Mais, aujourd'hui, fort heureusement, les mentalités tendent à changer et à s'améliorer. Qu'aimez-vous dans le théâtre ? En fait, d'une manière générale, j'aime le théâtre. Mais ce que j'aime vraiment dans ce que je fais, c'est que le théâtre me permet de véhiculer un message. C'est surtout ça. Il ne faut pas faire du théâtre pour le théâtre. On pratique l'art des planches pour un but, et ce but est de transmettre un message. Qu'en est-il du théâtre au Mali ? Le théâtre malien a beaucoup changé et évolué. Avant, nos aînés jouaient des pièces classiques. Les gens ne se rendaient pas alors aux représentations. Les salles étaient quasiment vides. Mais après, il y a eu l'idée de transférer le théâtre traditionnel, le Kolébo, sur la scène italienne*. Il y a été adapté et modernisé. Depuis, le public y afflue en nombre. Comment cela ? Nous avons su intéresser le public au théâtre en lui proposant un type de théâtre – un théâtre traditionnel que les Maliens ont l'habitude de pratiquer et fréquenter depuis longtemps – dans lequel il se reconnaît et qui traite des réalités qui lui sont familières. Qu'est-ce que le Kolébo a de particulier ? C'est un théâtre traditionnel, ancré dans une ancestralité et une authenticité spécifiques au Mali. Ce théâtre se pratiquait – et se pratique toujours – dans les villages. Il se présente en cercle. Il se présente comme suit : au milieu de la scène viennent se mettre en place les musiciens (les joueurs de tam-tam), les femmes viennent ensuite les entourer, puis les hommes et après les spectateurs. Chaque groupe forme un cercle sur l'autre. Le fait d'avoir adapté le Kolébo à la scène italienne, cela ne l'a-t-il pas altéré, dénaturé, ne lui a-t-il pas enlevé une partie de son authenticité ? Non. Le Kolébo préserve toujours sa spécificité, et cela même en le transférant vers le théâtre conventionnel. Car c'est un théâtre essentiellement inscrit dans une identité authentiquement malienne, tout en ayant une vision moderne de sa pratique. Il reste ouvert sur de nouvelles expériences et pratiques. Quels problèmes peut rencontrer le théâtre africain ? Il y a d'abord celui des financements. La diffusion constitue un autre problème auquel le théâtre africain est confronté. * On entend par scène italienne, un bâtiment (un théâtre) entièrement couvert dont le prototype est le Théâtre olympique (Italie) ; celui-ci, inauguré en 1585, est considéré comme le premier théâtre couvert permanent de l'époque moderne. C'est une structure à plusieurs étages/balcons. C'est le théâtre moderne.