Vestiges n Le vieux quartier de Souika aux ruelles étroites, dont chaque pavé a une histoire à raconter ou un mythe à perpétuer, demeure une plaque tournante et un haut lieu du commerce, malgré la sévère concurrence que lui livrent actuellement d'autres quartiers. A la veille de l'Aïd el-fitr, de l'Aïd el-adha, de l'Achoura, du Mawlid Ennabaoui et particulièrement durant le mois de ramadan, ce quartier bien connu redevient la destination préférée des Constantinois. Signe des temps, autrefois réservée exclusivement aux hommes, la Souika s'ouvre aujourd'hui à la gent féminine. Les commerçants légaux et les vendeurs occasionnels, qui y sont installés, proposent un large éventail de produits très demandés pendant le ramadan, tels la viande bovine et ovine, le l'ben, la m'katfa, les diouls, la fameuse pâte de bouraks, la galette... A Souika, on trouve vraiment de tout. Amandes, noix, cacahuètes, zlabias, samsas, ainsi que d'autres produits d'importation que l'on tente d'écouler à des prix défiant toute concurrence. Dans un marché où l'on vend de tout, de la viande presque avariée, sinon douteuse, jusqu'aux épices importées, les Constantinois ne trouvent aucun mal à aller s'approvisionner et à s'aventurer dans ce «redoutable» carrefour économique. Chaque jour, les ruelles authentiques de Souika accueillent des vagues humaines qui se succèdent inlassablement. Démunies ou nantis, instruits ou pas, à Souika c'est «l'uniformisation». Tout le monde se côtoie et se mêle à la recherche des bonnes occasions sans le moindre complexe. Cette partie de la ville, quasiment légendaire, a toujours été réservée exclusivement aux piétons, avant que la rue du 19-Juin, autrefois très chic, ne se «bazardise» après être devenue à son tour, piétonne. Nullement gêné par les travaux de réhabilitation menés actuellement sur ce patrimoine culturel, Souika attire touristes, simples badauds, chercheurs, artistes et autres curieux. Elle constitue également la destination impérative pour les nostalgiques partis sous d'autres cieux. Ils reviennent régulièrement à la recherche de souvenirs et de repères. L'originalité de la Souika, la force qui en fait le référent obligé du Vieux rocher, résiste à tout, à la misère sous toutes ses formes, au temps des «vaches maigres», au luxe envahissant, à la richesse ostentatoire, rien ne semble démoder l'éternelle Souika. Ce quartier cache, par ailleurs, des trésors inestimables, des vestiges archéologiques non encore inventoriés, des ruines romaines, mais aussi des monuments architecturaux inspirés de la civilisation musulmane, des lieux de culte chers aux Constantinois. C'est le visage de la vieille Médina qui refuse de céder à la tyrannie du modernisme. Chaque coin de la Souika recèle une histoire tout aussi fabuleuse que la précédente. Comme par superstition, les visiteurs, ici, ne reviennent jamais sur leurs pas : ils traversent le quartier afin de profiter de cette longue venelle, d'un bout à l'autre. Une si longue traversée exige que l'on s'y prépare, il faut donc avoir du temps, se «régler» au rythme de la nostalgie et des senteurs d'antan.