Résumé de la 34e partie n Mary et Royde parlent de Audrey et de son état après sa séparation d'avec Neville... Hurstall, le vieux maître d'hôtel, accueillit Thomas avec mille démonstrations d'amitié : — Bien content de vous revoir, Mr Royde, après toutes ces années. Lady Tressilian sera bien heureuse, elle aussi. Vous serez installés dans la chambre de l'est, Monsieur. Je pense que vous trouverez tout le monde dans le jardin, à moins que vous ne préfériez passer d'abord par votre chambre. Thomas secoua la tête. Il alla à la fenêtre du salon qui s'ouvrait sur la terrasse et y demeura un moment à observer sans être vu. Deux femmes se trouvaient sur la terrasse. L'une était assise à l'extrémité de la balustrade et regardait la mer. L'autre l'épiait. La première, c'était Audrey. La seconde, à l'évidence, Kay Strange. Kay ne se savait pas surveillée, et ne faisait par conséquent aucun effort pour dissimuler ses sentiments. Thomas Royde ne possédait peut-être pas de grands dons d'observateur de l'univers féminin, mais il ne pouvait pas ne pas remarquer que Kay Strange détestait cordialement Audrey. Quant à Audrey, elle regardait de l'autre côté de la rivière et ne semblait pas avoir conscience de la présence de Kay ou alors elle s'en souciait comme d'une guigne. Sept années s'étaient écoulées depuis la dernière fois qu'il avait vu Audrey. Il la détailla avec attention : avait-elle changé et, si oui, dans quel sens ? Elle avait bel et bien changé, conclut-il. Elle était plus mince, plus pâle, plus diaphane encore... mais il décelait un autre changement, qu'il se sentait bien en peine de définir. Comme si elle se tenait elle-même étroitement en laisse, comme si elle contrôlait chacun de ses mouvements... et qu'elle demeurait en même temps intensément attentive à tout ce qui se passait autour d'elle. «On jurerait, pensa-t-il, une personne qui veut cacher un secret.» Mais quel secret ? Il connaissait quelques-uns des malheurs qui lui étaient arrivés au cours des récentes années. Il s'était préparé à discerner sur son visage les rides du deuil et du chagrin. Mais il s'agissait d'autre chose : Audrey évoquait un enfant qui, en crispant sa menotte sur quelque trésor, attire l'attention sur ce qu'il veut cacher. Il porta son regard sur l'autre femme, celle qui était maintenant l'épouse de Neville Strange. Mary Aldin n'avait pas menti : elle était splendide. Mais dangereuse, aussi, lui sembla-t-il. «Si je la voyais près d'Audrey, un couteau à la main, je ne serais pas tranquille», se dit-il in petto. Et, pourtant, pourquoi haïrait-elle l'ex-femme de son mari ? Tout entre eux était fini et n'appartenait plus qu'au passé. Audrey ne prenait plus la moindre part à leur existence. Des pas résonnèrent sur la terrasse. Neville tournait le coin de la maison. Il donnait l'impression d'avoir transpiré et tenait à la main un magazine illustré. — Voilà l'Illustrated Review, annonça-t-il. Rien à faire pour trouver l'autre. Avec une simultanéité absolue, Audrey, sans même tourner la tête, tendit une main distraite tandis que Kay disait : — Tant pis, donne-le-moi.