Résumé de la 23e partie n Pour Audrey la rencontre avec Neville et Kay pourrait être une bonne chose. Lady Tressilian reste sans voix… Les yeux d'Audrey ne quittaient pas ses petites mains gantées dont l'une, la vieille dame le remarqua, se crispait sur le montant du lit. Elle finit par relever la tête, le regard tranquille. — Tout cela est fini, aujourd'hui. Bel et bien fini. Lady Tressilian se laissa aller lourdement contre ses oreillers. — Parfait. Vous êtes meilleur juge que moi. Je suis lasse… Laissez-moi, maintenant, Audrey. Mary vous attend en bas. Dites-lui de m'envoyer Barrett. Barrett était sa vieille camériste dévouée. Elle monta et trouva sa maîtresse quasi prostrée, paupières closes. — Barrett, plus tôt je quitterai ce monde, et mieux cela vaudra. Je ne comprends plus rien à rien, ni personne. — Ah ! ne dites pas ça, Madame. Vous êtes fatiguée, c'est tout. — Oh, oui, je suis fatiguée. Enlevez-moi cet édredon des pieds, et donnez-moi une dose de mon analeptique. — C'est la visite de Mrs Strange qui vous a tourneboulée. Elle est bien gentille, mais c'est elle qui aurait besoin d'un fortifiant, je vous le dis comme je le pense. Elle n'a pas de santé. Et puis on dirait toujours qu'elle voit des choses que les autres ne voient pas. Mais elle a de la personnalité, on ne peut pas lui retirer ça. Elle en impose, comme dit l'autre. — Ça, c'est bien vrai, Barrett. Oui, c'est bien vrai. — Et puis elle n'est pas non plus du genre qu'on doit oublier facilement. C'est souvent que je me suis demandé si Mr Neville pense encore parfois à elle. La nouvelle Mrs Strange, c'est une beauté - une vraie beauté -, mais miss Audrey... on y pense même quand elle n'est pas là. Lady Tressilian étouffa soudain un petit rire. — Il faut que Neville ait perdu le sens commun pour vouloir réunir ces deux femmes sous le même toit. C'est lui qui s'en mordra les doigts ! 29 mai Pipe aux lèvres, Thomas Royde surveillait son premier boy malais qui s'activait à achever ses bagages. Il détournait souvent le regard pour contempler par les fenêtres la plantation qu'il avait eue sous les yeux durant les sept années passées et qu'il ne reverrait plus pendant quelque six mois. Ça lui ferait une drôle d'impression de retrouver l'Angleterre. Allen Drake, son associé, passa la tête par l'entrebâillement de la porte. — Salut, Thomas, tu en vois le bout ? — Ça se termine. — Viens prendre un verre, heureux veinard. Je crève de jalousie. Thomas Royde quitta lentement sa chambre pour rejoindre son ami. Sans dire un mot, car c'était un homme singulièrement taciturne. Ses amis avaient appris à juger de ses états d'esprit à l'intensité de ses silences. Silhouette trapue, yeux pensifs et scrutateurs dans un visage jamais détendu, il marchait un peu de travers, à la manière d'un crabe. (à suivre...)