Interview n Salim Aggar, commissaire des journées cinématographiques d'Alger, revient, dans cet entretien, sur l'événement qui a pris fin mercredi. InfoSoir : Comment est née l'idée d'organiser ces journées ? Salim Aggar : L'idée d'organiser ces journées est venue en regardant ce que font des amis belges, français, mais aussi marocains et égyptiens, dans les festivals où j'ai été invité comme réalisateur. Avec les nouvelles technologies, c'est devenu facile d'organiser un festival ou des journées, il faut avoir un réseau de contacts dans le monde du cinéma et de l'audiovisuel. Peut-on organiser pareil événement, alors que la production cinématographique algérienne est épisodique ? Je suis d'accord avec vous. D'ailleurs j'ai eu tout le mal du monde à trouver des productions algériennes récentes. Mais doit-on avoir des productions locales pour faire des festivals ou des journées. Je dirais que non. Quand j'ai commencé dans le cinéma en 89, nous faisions des films en prévision des festivals. Aujourd'hui certains pseudoréalisateurs qui estiment qu'ils ont atteint le panthéon, choisissent leur festival, selon l'intérêt personnel, le copinage et surtout le montant des prix qu'ils offrent. Le soutien à l'effort culturel n'est pas inscrit dans la mentalité de certains réalisateurs. J'ai été très surpris et déçu par l'attitude de deux réalisateurs que je considérais comme de vrais amis, qui ont refusé d'inscrire leurs films dans ces JCA, sous-estimant ainsi notre action. Tant que je serai dans cette Association, ils ne seront jamais associés à nos actions dans le futur. Heureusement qu'il existe des réalisateurs qui croient en notre initiative comme Yasmine Chouikh, Zakaria ou surtout Abdelhamid Krim, qui a décidé de participer à ces Journées, en venant d'Espagne et malgré de lourdes obligations familiales et professionnelles. Quel est le but de ces rencontres ? Le but est d'abord culturel et surtout cinématographique. L'objectif est surtout d'animer la scène cinématographique algérienne, en maintenant des Journées et des Festivals. Je ne peux pas concevoir qu'un pays qui a décroché la seule et unique Palme d'Or du monde arabe et africain, qui a obtenu des Oscars, des prix à Cannes, à Venise et à Milan, ne possède que deux ou trois Festivals dans l'année, alors que le Maroc en possède 15 et la Tunisie 7 par an. Avec les JCA on voudrait s'associer aux autres Festivals et rencontres cinématographiques pour animer la scène culturelle et surtout faire de l'Algérie, une destination du cinéma internationale comme Cannes, Los Angeles, Le Caire ou Dubaï. L'objectif de ces JCA, c'est de créer un espace de rencontres, de débats, d'échanges entre le Maghreb, l'Orient et l'Occident, tout en espérant que cette manifestation sera un rendez-vous important du cinéma à Alger, comme le sont, aujourd'hui, les JCC de Carthage à Tunis. Qu'espérez-vous de ces journées ? Que les Algériens découvrent des films, viennent en force pour participer aux débats et surtout les alimenter. l Aujourd'hui, on parle de Journées cinématographiques d'Alger, demain pourra-t-on parler de Festival international du film d'Alger. Autrement dit, à quand un festival international du cinéma d'Alger ? Répondant à cette question, Salim Aggar dira : «Je ne peux pas répondre à la place du ministère de la Culture. Je peux m'exprimer en mon nom personnel. Et à ce titre, je peux vous dire que l'intention y est. Mais organiser un festival international n'est pas une mince affaire, surtout pour l'Algérie.» Et d'expliquer : «Sur le plan organisationnel, l'Algérie a les moyens financiers et humains de faire mieux que le Festival du Caire, de Carthage ou de Marrakech, on l'a vu avec le Panaf, dont le budget est synonyme du Festival de Cannes. Mais pour organiser un festival international en Algérie, il faut installer une tradition de rendez-vous cinématographiques.» Cela revient à dire : «Quand, j'ai organisé les JCA, j'ai pu ramener des films importants qui étaient sélectionnés au dernier Festival de Cannes, comme ‘Le temps qui reste' d'Elia Souleiman, (Jamais ses films n'ont été présentés en Algérie) ou encore Looking for Eric de l'Anglais Ken Loach, mais ces derniers se sont excusés arguant ne pas pouvoir venir à Alger, parce que, pour eux et pour leurs conseillers, «Alger n'était pas la meilleure destination… cinématographique. Ils n'auraient pas refusé si c'était Dubaï, Cannes ou Berlin, qui les invitait. L'Algérie a besoin de se réhabiliter sur la scène cinématographique internationale», a-t-il souligné, et de suggérer : «Elle ne pourra pas le faire seule avec le ministère de la Culture, mais avec l'appui de tous les ministères (Tourisme, Intérieur et surtout le Premier ministère). A cela s'ajoutent un bon lobbying, des personnes qui parlent plusieurs langues et qui possèdent un background cinématographique important comme Ahmed Bedjaoui et Salem Brahimi, que nous avons vus à l'œuvre au Panaf», a-t-il ajouté.