Ampleur n Ce qui n'était qu'un phénomène isolé et l'expression d'une mal vie des jeunes en quête d'horizons nouveaux, s'est transformé, au fil du temps, en véritable hémorragie humaine difficile à arrêter. Les premiers harragas étaient pour la plupart des jeunes de banlieue et des grandes villes du littoral qui avaient décidé de s'établir ailleurs, sous d'autres cieuxs plus «cléments». La harga s'est «démocratisée» ensuite comme le portable pour toucher toutes les couches de la société.Il suffit de payer son passage à la bonne adresse et tous les rêves, même les plus fous, sont permis. En principe. Des adolescents à peine âgés de 16 ans ont tenté l'aventure sur ce genre d'embarcation qui tient beaucoup plus de l'épave que du radeau. Des fonctionnaires pourtant en poste qui ne manquaient de rien, des médecins, des retraités, des femmes, des jeunes filles, des handicapés et même un grand-père de 70 ans, sans compter des jeunes mamans allaitant leur bébé. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la harga a toujours été pratiquée par les Algériens, mais sur un autre mode. La traversée de la Méditerranée n'a même pas effleuré l'esprit des anciens. Mais comme on dit autres temps, autre mœurs. Ce qui intéressait les candidats à l'évasion à l'époque, c'était de quitter la France et ses colonies, la zone française et d'atterrir n'importe où, le plus loin possible de l'Hexagone. De nombreux Algériens à la fleur de l'âge ont ainsi quitté les ports d'Oran et d'Alger cachés dans une cale ou recouverts de bâche. Quelques-uns ont réussi le passage sans encombre et ont donné des signes de vie, d'autres ont complètement disparu. Certains, mais très rares, ont réussi, grâce à leurs performances sportives à s'installer en Amérique. Comme le boxeur oranais Goudil, champion d'Afrique et de France. Accompagné par des entraîneurs français à New York en 1956 pour disputer un combat, il accomplira son contrat, mais refusera net de rentrer en France et encore moins en Algérie. M'hamed Yazid et Hocine Aït Ahmed seront très contents de l'employer comme guide, chauffeur et garde du corps durant la Révolution. Il est toujours vivant et coule depuis deux ans une retraite agréable auprès des siens dans une superbe villa à Maraval, une riche banlieue d'Oran.