InfoSoir : Qu'est-ce qui pousse les jeunes à quitter les bancs de l'école dès les premières années de scolarisation ? M.-S. Benmerad : L'étude que nous avons réalisée pour l'association Iqraa a montré que les jeunes qui ont abandonné l'école évoquent souvent des raisons financières. Ce sont, dans la majorité des cas, des garçons de 15 à 17 ans, ils habitent généralement dans les zones rurales et sont issus de familles monoparentales, donc il y a un seul parent, et c'est souvent la mère. Aujourd'hui, je pense qu'il faut également chercher des causes du côté de l'école elle-même. Ne pousse-t-elle pas à la déperdition un certain nombre de jeunes ? Je me demande par là si l'école prend en charge les cas susceptibles de quitter l'école. Nous avons des jeunes qui ne voient pas bien ou qui n'entendent pas bien et qu'on ne dépiste pas à temps. Il y a aussi une certain nombre d'enfants qui présentent une incapacité à s'intégrer dans le système scolaire pour plusieurs raisons : trop différents, sous-doués ou surdoués… les cas sont nombreux. Il y a des jeunes qui méritent qu'on s'intéresse un peu plus à leurs cas, à leurs profils psychologiques et qui font qu'ils ne s'adaptent pas à une école qui fournit un service un peu trop général, impersonnel. Que deviennent ces jeunes qui abandonnent les études ? En général, on les retrouve dans les activités informelles car ils ne peuvent pas accéder à une formation parce qu'ils sont trop jeunes ou pas assez instruits. Ils sont aussi victimes de ce qu'on appelle l'analphabétisme de retour, c'est-à-dire qu'ils oublient complètement ce qu'ils sont appris à l'école. Ce qui ne les habilite pas à rentrer dans la vie active avec une formation qualifiante. Quelles solutions préconisez-vous pour mettre un terme à ce phénomène ? Il faut améliorer notre système scolaire car il n'est pas aussi rentable que celui du Maroc ou de la Tunisie. Le taux de scolarisation est très élevé, mais sur les 100 élèves qui rentrent, il y en a uniquement une dizaine qui arrive au bac et encore moins qui sortent avec un diplôme universitaire. Donc, il faut s'occuper un peu plus des cas qui présentent des profils susceptibles d'être des futurs rejetés du système scolaire. Il y a des milliers de jeunes licenciés en psychologie, on doit les employer comme conseillers scolaires, pour comprendre les problèmes de ces jeunes scolarisés et tenter de les aider à trouver des solutions pour réussir leur scolarité ou une insertion dans l'appareil de formation. Il faut aussi réserver des classes à ceux qui sont moins bons, d'autres pour ceux qui sont meilleurs. Il faut également fournir une meilleure prestation. Tout comme il est important de soutenir toutes les initiatives de proximité qui peuvent donner une seconde chance aux exclus du système scolaire en les aidant à formuler des projets, à monter des petites entreprises, des ateliers d'artisanat, à développer des capacités, des dons… * Expert consultant au Centre national d'études et d'analyses pour la population et le développement (Ceneap). Pourquoi pas une deuxième chance ? n Afin de permettre aux jeunes déscolarisés de reprendre leurs études, l'association Iqraa propose un dispositif pour une école de la deuxième chance. Ce dispositif consiste à offrir une scolarité et/ou une formation professionnelle à des jeunes déscolarisés. Il s'inspire de l'école de la deuxième chance, conçue et lancée par l'Union européenne. Ne remettant pas en cause le système actuel de formation professionnelle, ce dispositif est donc complémentaire avec celui existant et se positionne dans une démarche de concertation, de collaboration et de coopération. Lire demain notre dossier «Ecoles privées : la carotte et le bâton»»