Dévalorisation n Ils sont nombreux à regretter le fait que le livre soit considéré comme une vulgaire marchandise. Ouadi Boussad est touché de plein fouet par les retombées de la disposition de la LFC 2009. «Avec cette loi, j'ai cessé mes activités, car je ne peux ni éditer ni importer. Tous nos interlocuteurs nous prennent pour des fous», regrette-il. «Nous traçons des projets à long terme. Il y a une période de maturation et une autre de réalisation. Et quand les règles du jeu changent tous les six mois, nous ne pouvons rien programmer ni planifier. Il n'y a aucune visibilité. Tout se fait dans l'opacité», explique-t-il. «On fait des règles, on impose des lois, on applique des mesures, et d'un côté on dit qu'on va créer un centre national du livre. C'est contradictoire, totalement aberrant», assène notre interlocuteur. Le livre en Algérie est soumis à de lourdes taxes et à une réglementation rigoureuse, alors que l'Etat est censé le subventionner. Avec toutes ces mesures promulguées et ces dispositions appliquées, le livre est dévalorisé, estiment les professionnels. En outre, toutes ces mesures mettent en péril l'avenir du livre. Parce que cela circonscrit la liste éditoriale et, du coup, limite la circulation du livre en Algérie. Il y aura de moins en moins de livre dans les librairies et dans les bibliothèques et il y aura, bien entendu, de moins en moins de lecteurs. Pour les libraires et les éditeurs, si le livre est taxé et réglementé, c'est qu'il est considéré comme une vulgaire marchandise. «Chez nous, déclare Ouadi Boussad, nous n'avons pas encore pris conscience de l'importance de la culture. Le livre est placé au même plan qu'un quelconque produit commercial. La culture, chez-nous, se résume au folklore. Les industries culturelles ne comptent pas.» Sid-Ali Sekhri, pour sa part, souligne la nécessité de redonner au livre la place qu'il mérite : «Il faut se battre pour que le livre soit considéré comme étant une spécificité culturelle. C'est un objet culturel spécifique qui ne doit pas subir les lois de la rentabilité financière ou économique. Avec le livre, il y a certes une perte au niveau financier, mais un gain au niveau social, culturel et intellectuel. Maintenant, les pouvoirs publics, nous pouvons les convaincre, en faisant des démarches auprès des sénateurs et des députés pour les amener à réfléchir sur un projet de loi en faveur du livre.» Tous les professionnels approchés sont unanimes à affirmer que le livre est un produit spécifique. Il est une exception culturelle. C'est ce que, d'ailleurs, ils s'emploient à faire comprendre aux décideurs. Ainsi, ils appellent à la suppression de la disposition controversée et à l'assouplissement des taxes.