Sursaut n C'est la hogra, dont ont été victimes nos joueurs et nos supporters au Caire, (dont certains ont été carrément lynchés par une foule déchaînée), qui les soudera. Lorsqu'on voit le nombre de jeunes que les gardes-côtes cueillent tous les jours au large pour les empêcher d'émigrer clandestinement, on en arrive souvent au raccourci que ces désespérés n'aiment par leur pays. Lorsqu'on comptabilise tous les cerveaux qui ont préféré s'investir sous d'autres cieux et sous d'autres climats et non dans le pays qui les a pourtant formés, on en arrive également au même raccourci, à la même conclusion. Lorsqu'on entend à longueur de journées les jérémiades - hélas bien justifiées - des mères de familles qui se plaignent du laxisme des pouvoirs publics face à la hausse vertigineuse des prix et sans que personne leur vienne en aide, on ne peut que leur donner raison, car elles ont l'impression que l'Etat les abandonne à leur sort, ne les aime pas et les livre pieds et poings liés aux spéculateurs. Lorsqu'on voit le peu d'intérêt que les adultes et leurs cadets portent aux journées nationales, aux journées du souvenir, on ne peut s'empêcher de se demander si le personnel politique n'a pas fini par lasser ce peuple. Les 5-Juillet et 1er-Novembre sont devenus pour de nombreux citoyens, des jours fériés, chargés d'histoire certes, mais fériés. Rares sont ceux qui pavoisent leurs balcons en ces occasions. La fête est absente. Des responsables locaux déposent bien quelques gerbes de fleurs au carré des Martyrs, mais dans l'indifférence totale de la population. Il n'y a pas de symbiose. On est loin, très loin du 5-Juillet 1963, le premier anniversaire de l'Indépendance. Cette année-là, des milliers d'anciens moudjahids, encore jeunes, défileront au boulevard de l'ALN, l'actuel front de mer, sous le regard de toute une ville descendue pour les voir et les admirer. Des youyous fusaient de partout, l'hymne national retransmis par haut-parleur était repris par toute la foule, une foule presque au bord de l'hystérie. Les Algériens n'aiment-ils pas leur pays ? On est en droit de se poser la question. C'est la hogra, dont ont été victimes nos joueurs et nos supporters au Caire (dont certains ont été carrément lynchés par une foule déchaînée) qui arrivera à les souder. Pour laver l'honneur de leur drapeau, ils tairont leurs divergences, gommeront leurs différences et vont en masse à Khartoum munis d'un simple passeport et sans aucun pécule. Jeunes, moins jeunes, hommes, femmes et même une octogénaire seront du voyage. Pas question de nous laisser insulter et humilier cette fois. Pas question de tendre l'autre joue. Et lorsque le sifflet final de la rencontre Algérie-Egypte annoncera la fin du match, c'est toute l'Algérie des villes et des villages qui envahit les rues, un drapeau national à la main. Ce sursaut que personne ne prévoyait est la marque d'un peuple imprévisible et dont on ne soupçonnera jamais assez l'étendue de son amour pour la patrie.