Draria Tous ceux qui le connaissent l?évitent quand il est en manque. Il est en effet capable du pire pour avoir sa dose. En cette journée fatidique du 11 janvier 2004, en se levant, il sentait sa bouche pâteuse, son c?ur battre à tout rompre, et l?esprit embrumé. Des signes évidents d?un manque avancé. Mais comment se payer ses deux cachets de Diazepam pour refaire surface ? Youcef, 24 ans, un solide gaillard qui a fait de fréquents séjours en prison, buveur invétéré et drogué, n?hésitait pas à jouer du poing ou de la lame pour agresser ses victimes et se procurer de l?argent. Chômeur depuis longtemps, il lui arrivait parfois de faire quelques petits métiers, mais sans plus. Les gens refusent ses services car ils le connaissent bien et savent que plus fainéant que lui, il n?en existe pas. Il vivait aux crochets de sa mère, une vieille femme qui tentait tant bien que mal de joindre les deux bouts avec la petite retraite de son défunt mari et en faisant quelques menus travaux. La pauvre femme se faisait toute petite quand son fils entrait dans ses colères noires. Ce matin, en voyant son fils rôder dans la cuisine, les yeux injectés de sang, elle devina ses sombres intentions. Elle lui servit un café, lui remit 50 DA et vaqua à ses occupations. Elle se dit en son for intérieur qu?il valait mieux le laisser fulminer dans son coin plutôt que de le provoquer. Il ne lui dit même pas bonjour, avala d?un trait sa tasse de café noir, mit dans sa poche la pièce de 50 DA qu?elle lui avait remise et sortit précipitamment. Dehors, il ne supporte pas les rayons du soleil qui baignaient le village. Il s?empresse d?aller à la recherche de son fournisseur. Il lui faut 2 comprimés de Diazepam pour se remettre d?aplomb. Il fait le tour du pâté de maisons puis s?arrête devant la maison de Mokhtar. Il frappe à la porte, mais aucune réponse. Il insiste, mais sans résultat. Il doit se rendre à l?évidence : Mokhtar est absent. Il réfléchit un instant avant de décider de se rabattre sur un autre revendeur. «Mais avec celui-là ça sera difficile. Il faut payer rubis sur l?ongle sa dose», se dit-il. C?est vrai que Mokhtar lui vendait parfois à crédit quand il n?avait pas le sou. Youcef se rend de l?autre côté du village pour trouver Saïd, qu?il considérait comme sa bouée de sauvetage. Il le trouve affairé dans son petit magasin de vulcanisation. En formulant sa demande, il n?a pour réponse qu?un petit roulement du pouce et de l?index, un geste qui veut dire tout simplement «aboule le fric». Il supplie Saïd, lui propose sa jaquette, ses baskets en guise de gage, mais ce dernier, intransigeant, ne cède pas. Il dut se rendre à l?évidence : il faut qu?il trouve de l?argent, tout juste de quoi payer sa drogue. Il s?éloigne avec des idées de meurtre plein la tête. (à suivre...)