Résumé de la 10e partie n Même scénario que les deux précédentes nuits, le compagnon de Johannès attend la princesse et la suit dans sa «sortie nocturne»... Elle lui raconta que Johannès avait encore deviné juste, la deuxième fois, s'il en était de même demain, il aurait gagné et elle ne pourrait plus jamais venir voir le sorcier dans la montagne, jamais plus réussir de ces tours de magie qui lui plaisaient. Elle en était toute triste et inquiète. — Il ne faut pas qu'il devine, répliqua le sorcier. Je vais trouver une chose à laquelle il n'aura jamais pensé, ou alors, il est un magicien plus fort que moi. Mais d'abord soyons gais. Il prit la princesse par les deux mains et la fit virevolter à travers la salle avec tous les petits lutins et les feux follets qui se trouvaient là, les rouges araignées couraient aussi joyeuses le long des murs, les fleurs de feu étincelaient, le hibou battait son tambour, les grillons crissaient et les sauterelles noires soufflaient dans leur guimbarde. Ça, ce fut un bal diabolique. Lorsqu'ils eurent assez dansé, le temps était venu pour la princesse de rentrer au château où l'on pourrait s'apercevoir de son absence, le sorcier voulut l'accompagner afin de rester ensemble jusqu'au bout. Alors ils s'envolèrent à travers l'orage et le compagnon de route usa ses trois verges sur leur dos. Jamais le sorcier n'était sorti sous une pareille grêle. Devant le château, il dit adieu à la princesse et lui murmura tout doucement à l'oreille : «Pense à ma tête», mais le compagnon l'avait entendu et à l'instant où la princesse se glissait par la fenêtre dans sa chambre et que le sorcier s'apprêtait à s'en retourner, il le saisit par sa longue barbe noire et trancha de son sabre sa hideuse tête de sorcier au ras des épaules, si bien que le sorcier lui-même n'y vit rien. Il jeta le corps aux poissons dans le lac mais la tête, il la trempa seulement dans l'eau puis la noua dans son grand mouchoir de soie, l'apporta à l'auberge et se coucha. Le lendemain matin, il donna à Johannès le mouchoir, mais le pria de ne pas l'ouvrir avant que la princesse ne demande à quoi elle avait pensé. Il y avait foule dans la grande salle du château où les gens étaient serrés comme radis liés en botte. Le conseil siégeait dans les fauteuils toujours garnis de leurs coussins moelleux, le vieux roi portait des habits neufs, le sceptre et la couronne avaient été astiqués, toute la scène avait grande allure mais la princesse, toute pâle, vêtue d'une robe toute noire, semblait aller à un enterrement. — A quoi ai-je pensé ? demanda-t-elle à Johannès. Il s'empressa d'ouvrir le mouchoir et recula lui-même très effrayé en apercevant la hideuse tête du sorcier. Un frémissement courut dans l'assistance. Quant à la princesse, assise immobile comme une statue, elle ne pouvait prononcer une parole. Finalement elle se leva et tendit sa main au jeune homme. Sans regarder ni à droite ni à gauche, elle soupira faiblement : — Maintenant tu es mon seigneur et maître ! Ce soir nous nous marierons. — Ah ! que je suis content, dit le roi. C'est ainsi que nous ferons. Tout le peuple criait : «Hourra !» La musique de la garde parcourait les rues, les cloches sonnaient et les marchandes enlevaient le crêpe noir du cou de leurs cochons de sucre puisqu'on était maintenant tout à la joie. Trois bœufs rôtis entiers fourrés de canards et de poulets, furent servis au milieu de la grande place. (à suivre...)