Démocratie, justice sociale, bien-être, création d?emplois, logement : autant d?engagements contenus dans des discours ? tous les mêmes ? qui ne font que se répéter à chaque échéance et qui ne sont jamais tenus. Le Sud gronde. Il bouge, crie sa révolte et sa colère. Brisant l?image qui leur colle à la peau depuis des siècles d?hommes flegmatiques, paisibles dont la philosophie les pousse à accepter leur sort et à trouver leur bonheur quand même envers et contre tout, les habitants de localités jusque-là anonymes ont, à l?étonnement général, décidé que le pouvoir était allé trop loin dans le mépris. Eux que l?on ne se rappelle que lors des échéances électorales, ont choisi les seuls moments où tous les regards et toutes les caméras étaient braqués sur eux à l?occasion justement de ces visites. Ils savent, en effet, qu?une fois les officiels partis, ils retomberont dans l?oubli tuant. El-Guedid, Igli, El-Idrissia, Doucène?.et d?autres noms encore qui, jusqu?à ce que le cri de colère fuse, n?étaient connus par pratiquement aucun Algérien en dehors de leurs habitants, se sont retrouvés inscrits en gros caractères sur les premières manchettes des journaux : ce sont des villages de l?autre Algérie, celle que ceux d?en haut ne voient pas, ne se rappellent pas, l?Algérie dont les richesses profitent à tout le monde sauf à ses propres enfants obligés toujours de se déraciner pour pouvoir vivre et jouir d?une petite part de progrès et de lumière. Pourtant, autant qu?ailleurs et peut-être plus, ils ont tout fait pour que leur pays arrache sa liberté pensant ainsi avoir une vie meilleure. Lors de sa dernière visite à In Salah, le président de la République avait exprimé son «étonnement» et même «un choc» de constater que la ville, qui repose sur les plus grands gisements de pétrole et de gaz, n?est pas correctement desservie ni entièrement couverte en gaz de ville ! Qu?est-ce qui est le plus désolant dans ce fait : que la ville soit privée de ses richesses ou qu?un président algérien l?ignore 40 ans après l?indépendance ? «L?étonnement» était-il réel ou stratégique ? Dans un cas comme dans l?autre, il ne fait que renforcer la conviction de l?existence de deux Algérie. Celle, victime jusque-là de toutes les injustices, est en colère. Même si ceux qui ne peuvent faire de la politique qu?en utilisant les souffrances du peuple ne manquent pas de récupérer ce sentiment de révolte, celle-ci est à prendre au sérieux par les décideurs. L?Algérie d?en haut doit enfin écouter celle d?en bas. Il y va de l?avenir du pays, de sa stabilité et de sa cohésion sociale. Que pour une fois les calculs politiciens passent au second plan. Car autrement, le pire serait à craindre.