Déclaration n Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a estimé que la relation entre la France et l'Algérie sera «peut-être plus simple» lorsque la génération de l'indépendance algérienne ne sera plus au pouvoir. «La génération de l'indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple», a déclaré M. Kouchner au Journal de dimanche, paru ce samedi, en réponse à une question concernant la réparation des relations entre les deux pays. «Nos rapports avec l'Algérie ont été à ce point sentimentaux, violents et affectifs que tout est très difficile et très douloureux. L'Algérie a été vécue comme française en France, quand elle était une colonie de peuplement», dit-il en rappelant que l'anticolonialisme a été son «premier engagement». Refusant jusque-là, avec obstination, de reconnaître le caractère abject de la période coloniale, voilà que la France va plus loin encore dans sa fuite en avant, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, en réduisant tout le problème à la présence à la tête de l'Etat algérien de responsables de «la génération de l'indépendance». Selon ce raccourci surprenant, il n'y aura plus de problème ni de revendication algérienne une fois que ces responsables seront remplacés. Outre que cette déclaration s'assimile à une ingérence inacceptable dans les affaires internes de l'Algérie, elle est pour le moins insultante pour la mémoire de nos milliers de martyrs mais aussi pour tout un peuple dont aujourd'hui, un travail colossal d'acculturation, d'appauvrissement et d'asservissement ayant duré un siècle et demi, est tout simplement dénié. C'est comme si Kouchner s'attend à ce que les responsables qui vont succéder à ceux de «la génération de l'indépendance» soient frappés d'amnésie ! Ou peut-être qu'il s'attend à ce qu'ils servent les intérêts français au détriment de leur propre pays. Mais au-delà de cette déclaration de Kouchner, c'est toute la position française par rapport à son passé colonial, faite de dénis et de fuites en avant, qui continue d'empoisonner les rapports algéro-français. Tout récemment, ces derniers ont ouvert le dossier de leurs essais nucléaires en Algérie, accusant leurs responsables militaires de l'époque de s'être servis de soldats français comme cobayes et apportant des témoignages de victimes de ces essais sans souffler mot sur les victimes civiles algériennes, qui aujourd'hui encore vivent des séquelles atroces d'essais qui ne les concernaient ni de près ni de loin et qui leur ont été imposés sur leur sol. Pour rappel, la tension est encore montée d'un cran entre les deux pays au début du mois avec le dépôt à l'APN d'une proposition de loi pour «criminaliser» le colonialisme français, deux ans avant le 50e anniversaire de l'indépendance, suscitant des réactions «indignées» parmi des députés français. Mais avec le passé colonial comme toile de fond, les raisons ne manquent pas pour alimenter le conflit. Début janvier, la tension était née de l'annonce d'un nouveau dispositif de sécurité aérienne adopté en France et incluant l'Algérie parmi les pays à risque, suscitant le courroux d'Alger. Fin octobre 2009, Alger n'a pas répondu à une demande de visite officielle du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux et de celle du ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Éric Besson. Par ailleurs, la loi de finances complémentaire 2009 n'a pas été du goût des entreprises françaises alors que la mise sous contrôle judiciaire du diplomate algérien Mohamed-Ziane Hasseni et l'affaire des moines de Tibhirine ont irrité les autorités algériennes.