Scène n Shahrazad sort des Mille et Une Nuits, le temps d'une représentation, pour investir les planches. C'était hier, au Théâtre national, lors de la générale de Shahrazad, lallat n'ssa. Mais ce n'est pas Shahrazad telle que l'imaginaire littéraire la représente ou que le subconscient fantasmatique des hommes l'imagine. Ce n'est pas une image idyllique que Dalila Meftahi, la metteur en scène, donne à voir. C'est plutôt une représentation commune et concrète de Shahrazad, un miroir dans lequel se reflète l'image de toutes les femmes. Ainsi, le personnage de Shahrazad, que met en scène Dalila Meftahi, se présente comme le simple symbole de la femme, notamment celle qui fait de son quotidien un combat continuel, et qui, déterminée, cherche à s'imposer comme telle, un individu à part entière. La pièce oppose Shahrazad à Chahrayar, d'où l'opposition de la femme à l'homme, la traditionnelle problématique que Dalila Meftahi s'emploie à présenter via le théâtre. Le jeu apparaît comme une dualité entre une femme qui veut s'imposer et être maîtresse de sa personne et de son destin, et l'homme qui cherche à la soumettre à son diktat. Ainsi, la pièce met en scène le personnage de Shahrazad, mais dans une représentation manifestement actuelle, largement objective et authentiquement réaliste. Ce personnage illustre l'image de la femme combattante. Dalila Meftahi, loin des clichés fantasmatiques et réducteurs, donne une image sobre, franche et sincère de la femme. Le jeu, distinct et juste, évolue dans une scénographie contemporaine, à la limite de l'abstrait. Le décor est simple. Il casse cette représentation idyllique et pittoresque d'un Orient merveilleux et chatoyant, regorgeant de mystères et de secrets qui titillent la libido et attisent le subconscient. Outre la scénographique qui rend le jeu saillant et accrocheur, la lumière rend compte d'une manière perceptible et saisissante de l'intensité dramaturgique que porte la pièce et de l'émotion qui s'en dégage. La composition de la lumière est étudiée en fonction des situations et du langage scénique. Cela donne au jeu consistance et signifiance. Le public est saisi, outre par le contenu de la pièce, c'est-à-dire l'histoire, par l'aspect technique du jeu : Dalila Meftahi ajoute à la pièce un autre langage, celui du visuel. La musique, elle aussi, donne au jeu une mesure et une portée dramaturgique. Pour conférer à sa pièce plus de caractère et de volume, plus de sens et d'émotion, Dalila Meftahi a misé sur le côté technique, rendant le jeu plus attrayant encore. Ce dernier est minutieusement construit autour de ces différents éléments que sont la parole, la musique, la scénographie et la lumière. Le tout est alors savamment composé. Cela fait que le jeu est dynamique et intéressant. La pièce revêt aussitôt une esthétique et une propriété scénique ainsi qu'une marque langagière expressive. A noter que Shahrazad, lallat n'ssa est une production du Théâtre national algérien et une mise en scène de la Tunisienne Dalila Meftahi. La pièce, présentée, hier, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme, a été jouée par la comédienne tunisienne, Houda Ben Kamla, dans le rôle de la conteuse Shahrazad et le comédien algérien, Halim Zraïbi, dans le rôle du sultan Chahrayar. La pièce sera jouée tous les jours jusqu'au 13 mars.