La pièce Shahrazad Lallat N'ssa, mise en scène par Dalila Meftahi, se déroule dans un monde divisé en deux camps opposés. Celui des oppresseurs et dominateurs: les hommes, et celui des oppressées et dominées: les femmes. Peut-on encore surprendre en adaptant une histoire écrite il y a quelques siècles? Shahrazad Lallat N'ssa, mise en scène par Dalila Meftahi et produite par le Théâtre national algérien, Mahieddine-Bachtarzi, en est la preuve. Dans cette version de l'histoire de Shahrazad, interprétée lundi soir sur les planches du TNA, la fameuse intrigue persane tenait plus au réel qu'au merveilleux. Les principaux personnages de la pièce, Shahrazad et Shahrayar, joués par la Tunisienne Houda Ben Camla et l'Algérien Halim Zeraïbi, avaient peu de points en commun avec les mythes orientaux, fortement ancrés dans notre imaginaire. Dans un décor sobre et froid qui donne aux spectateurs l'hypothétique impression de voyager à travers les siècles, Dalila Meftahi nous donne à voir un roi archaïque, infatué et tourmenté par le passé. La rencontre avec Shahrazad sera décevante pour les deux. Il faut dire que chacun d'eux avait une image complètement différente de l'autre. Au gré des scènes, les spectateurs avaient à assister au sempiternel duel entre la femme et l'homme; l'oppressé et son oppresseur; le dominé et son dominateur. L'arrogance de Shahrayar et sa violence, n'aura pas réussi à ébranler la détermination de Shahrazad dans sa lutte contre sa condition d'assujettie. Les histoires contées par cette jeune femme traitaient justement de cette question: la lutte acharnée des femmes pour acquérir une certaine égalité avec l'homme. Le texte interprété par les deux comédiens, même s'il aborde certaines situations amères, était teinté d'humour. D'un autre côté, il faut dire que cette pièce, le fruit d'une collaboration entre dramaturges tunisiens et algériens, était l'exact point de fusion entre le son, la vidéo, et le décor...la scénographie imaginée par Mounira Zekraoui était exceptionnelle. «On n'a trouvé aucune difficulté au cours des préparations avec les techniciens algériens, c'est plutôt la pièce qui est difficile...», nous dira Dalila Meftahi, metteur en scène de Shahrazad Lallat N'ssa au sujet de cette collaboration algéro-tunisienne. Concernant la pièce, cette dramaturge tunisienne insistera pour dire: «A travers cette pièce, on fait le constat d'une situation amère qui nous interpelle. On n'a aucun problème avec l'homme, notre objectif était de montrer que Shahrazad Lallat N'ssa n'est pas cette belle jeune femme, conteuse des Mille et Une Nuits...la Shahrazad qu'on donne à voir est différente de l'image qui existe dans nos imaginaires.» Et d'expliquer: «Schahrazad Lallat N'ssa n'est pas la celle qu'on retrouve dans l'imaginaire arabe. Elle est plutôt ce symbole de la femme qui travaille, lutte et décide...toutes les femmes sont des Shahrazad...».