Histoire n Ce témoignage est celui d'une jeune maman originaire de la région des Ouadhias, âgée de 40 ans. Si aujourd'hui cette mère d'une charmante petite fille mène une vie calme et heureuse, sa jeunesse a été marquée par des moments de profonds désespoirs qui se sont manifestés par pas moins de 05 tentatives de suicide. Alors qu'elle n'avait que 18 ans, N. apprend que son père a décidé de la marier. Tout bascule pour la jeune fille, qui, après avoir raté ses études, reste à la maison et aide sa mère dans les tâches ménagères quotidiennes. «Nous habitions un petit village perdu et enclavé (notre interlocutrice nous demande de ne pas citer le nom du hameau), il n'y avait pas de Cfpa, donc je n'avais pas la possibilité de suivre une formation. Par ailleurs mon père passait son temps à boire et nous manquions souvent d'argent alors il était hors de question que j'aille à Tizi Ouzou pour une formation». Notre interlocutrice – qui nous a reçus chez elle –, a accepté de nous parler de son cas car «peut-être que mon histoire aidera certains à garder une lueur d'espoir car rien n'est jamais perdu tant qu'on vit». N. se remémore ce jour d'avril où sa mère lui a dit que son père lui avait trouvé un mari. «J'étais contre bien sûr, mais mon père m'a battue et ma mère a fini par me convaincre que cet homme que je ne connaissais pas, était très riche et a promis à mon père une somme importante pour effacer ses dettes.» Piégée et sans aucun appui, N., l'aînée de la famille, est mariée contre son gré. Son mari n'est pas de la wilaya de Tizi Ouzou. «Il vivait dans une autre région du pays ou les traditions sont très différentes de celles de Kabylie. Je me suis retrouvée loin de ma famille, dépaysée dans un village plus pauvre encore que celui où je suis née». La promesse d'argent et d'aisance pour la famille de N. n'était qu'un leurre. Après un mois de mariage, N., qui n'arrivait pas à s'intégrer, s'enfuit et retourne chez ses parents. Le mariage n'étant pas inscrit à l'état civil, il n'y avait pas de démarches à faire pour le divorce. Sur le conseil de sa mère, elle s'est réfugiée chez sa grand-mère. Mais le père, fou de rage, ne cessait de battre sa mère pour se venger de la fille rebelle. La mère finit par demander le divorce et l'obtient. Elle retourne dans son village natal où elle habite une vieille maison abandonnée avec ses deux filles et ses trois garçons. Mais les harcèlements du père n'ont pas cessé. «Nous n'avions rien et nous comptions sur la générosité des villageois pour manger. Nous vivions un véritable enfer. Je passais mes nuits à pleurer et un jour de grand désespoir j'ai décidé de mettre fin à mes jours. Je ne voyais pas d'issue à notre situation. Je ne voulais plus exister. J'ai pris une lame de rasoir et je l'ai glissée d'un coup sec sur mon poignet gauche. De rage, j'ai recommencé une fois et encore une troisième fois. Le sang a giclé très fort. J'ai eu une sensation de froid et j'ai eu peur j'ai crié et je crois que je me suis évanouie ensuite. C'est ma mère qui m'a trouvée». N. nous montre son poignet qui porte encore les cicatrices de son geste. Après cette tentative de suicide, elle tentera d'autres moyens pour mettre un terme à sa vie. Un jour elle s'est jetée du troisième étage d'une maison en construction. Elle s'en est sortie avec plusieurs fractures et des mois d'hospitalisation. Pour la troisième tentative, elle a avalé des produits dangereux. Sa mère, pour l'aider à s'en sortir, lui a trouvé du travail à Tizi Ouzou. Elle aussi en avait trouvé un, grâce à l'aide de ses voisins. Peu à peu, N. a renoué avec la vie sociale, elle se fait des amis, puis un jour elle rencontre l'homme de sa vie. «Il m'a acceptée avec tout mon passé avec mes errances et mes tentatives de suicide. La vie a fini par me sourire alors je dis aux parents de faire très attention à leurs enfants d'apprendre à les écouter et à les aimer»