Résumé de la 2e partie n L'empereur d'Allemagne, Guillaume II, ordonne la formation d'une commission d'enquête pour découvrir le secret des «chevaux calculateurs»... Les savants de l'Empire désignent un observateur bardé de diplômes et c'est un dénommé Oskar Pfungst, élève du laboratoire de psychologie de Berlin, qui est chargé d'établir un rapport circonstancié. Il faut dire qu'aucun des «Herr Doktor» du laboratoire n'a consenti à s'abaisser à une besogne aussi basse que d'aller examiner de près un vulgaire numéro de cirque. Un coup à détruire sa réputation au cas où il conclurait à l'intelligence des «canassons» pour que le propriétaire des «chevaux calculateurs» aille, quelques années plus tard, dévoiler le pot aux roses et expliquer que «le truc est très facile et qu'il suffit de communiquer avec le cheval au bon moment par un moyen très simple». Pour l'instant on ne sait rien de cette technique supposée «de contact». Et comment expliquer que M. Krall, le nouveau propriétaire, soit un calculateur aussi rapide et aussi génial que Van Osten ? Ça se serait su, vous ne croyez pas ? Oskar Pfungst, avec la vanité de la jeunesse et la suffisance d'un petit fonctionnaire, finit cependant par déposer des conclusions qu'il voudrait accablantes. Son rapport, qui est bien trop volumineux pour être honnête, sans doute dans l'espoir de décourager une lecture complète, conclut : «Je me suis consacré à l'observation du cheval nommé Hans. Ce cheval n'est pas intelligent (entendez : il n'est pas plus intelligent que les autres chevaux, ce qui n'est déjà pas si mal, même en comparaison des bipèdes nommés humains). Hans n'est pas intelligent et, par voie de conséquence, il n'est pas «calculateur» au sens mathématique du mot. Hans ne sait pas compter et il n'y a pas d'autres conclusions à tirer de ce numéro de cirque sinon que le cheval Hans, comme Mohamed et Zarif, ne fait que répondre à des «stimuli» imperceptibles émis par son maître au cours des pseudo-exercices de calcul mental. Signaux imperceptibles ou, si l'on préfère, «infinitésimaux». Quant à savoir en quoi consistent ces signes infinitésimaux ou imperceptibles, Oskar est bien incapable d'en donner la moindre définition un peu précise... M. Krall continue donc à exercer son dur métier de montreur de chevaux savants avec un sourire ironique sur les lèvres et des carottes plein les poches. Certains esprits chagrins croient avoir trouvé la solution : — M. Krall et avant lui M. Van Osten ont les mains dans leurs poches pendant les démonstrations. — Ah bon ! Pourtant il semble qu'ils ne les ont pas plus que les autres. — Oui, mais quand le cheval se voit poser la question, Herr Krall a les mains dans les poches et je suis persuadé qu'il fait légèrement cliqueter l'ongle du pouce et celui de l'annulaire... — Pourquoi l'annulaire plutôt qu'un autre ? — Parce que l'annulaire est le doigt qui s'oppose le mieux au pouce. Celui qui est le mieux placé pour produire un petit bruit perceptible du cheval. Enfantin non ? Deux petits clics deux coups de sabot. Quatre petits clics : quatre coups de sabot ! Je suis certain que c'est ça ! — Mais il faut supposer que M. Krall et avant lui M. Van Osten sont des calculateurs prodiges... Un lourd silence s'abat sur le groupe des sceptiques. Quelqu'un dit : — Rien de tout ça ne tiendrait debout si l'on posait des questions aux chevaux en l'absence de M. Krall ! Qu'en pensez-vous, Herr Krall ? — Excellente idée. Je suis tout à fait d'accord pour que vous interrogiez mes chers chevaux hors de ma présence. Mais je vous demande votre parole d'honneur qu'ils ne subiront aucun mauvais traitement physique et que vous vous contenterez de leur poser des questions et d'enregistrer leurs réponses sous le contrôle d'un huissier. — Monsieur, vos soupçons nous font injure ! (à suivre...)