Résumé de la 3e partie n Le jardinier, au lieu de se reposer sur sa renommée, redoubla de zèle... Un jour, le jardinier arriva au salon avec un grand vase où parmi des feuilles d'iris s'étalait une grande fleur d'un bleu éclatant. «C'est superbe ! s'écria Sa Seigneurie enchantée : on dirait le fameux lotus indien !» Pendant la journée, les maîtres la plaçaient au soleil où elle resplendissait ; le soir, on dirigeait sur elle la lumière au moyen d'un réflecteur. On la montrait à tout le monde ; tout le monde l'admirait. On déclarait qu'on n'avait jamais vu une fleur pareille, qu'elle devait être des plus rares. Ce fut l'avis notamment de la plus noble jeune fille du pays, qui vint en visite au château : elle était princesse, fille du roi ; elle avait en outre de l'esprit et du cœur, mais dans sa position ce n'est là qu'un détail oiseux. Les seigneurs tinrent pour honneur de lui offrir la magnifique fleur, ils la lui envoyèrent au palais royal. Puis, ils allèrent au jardin en chercher une autre pour le salon. Ils le parcoururent vainement jusque dans les moindres recoins ; ils n'en trouvèrent aucune autre, non plus que dans la serre. Ils appelèrent le jardinier et lui demandèrent où il avait pris la fleur bleue : «Si vous n'en avez pas trouvé, dit Larsen, c'est que vous n'avez pas cherché dans le potager. Ah ! ce n'est pas une fleur à grande prétention, mais elle est belle tout de même : c'est tout simplement une fleur d'artichaut ! Grand Dieu ! Une fleur d'artichaut ! s'écrièrent Leurs Seigneuries. Mais, malheureux, vous auriez dû nous dire cela tout d'abord. Que va penser la princesse ? Que nous nous sommes moqués d'elle ! Nous voilà compromis à la cour. La princesse a vu la fleur dans notre salon, elle l'a prise pour une fleur rare et exotique ; elle est pourtant instruite en botanique, mais la science ne s'occupe pas des légumes. Quelle idée avez-vous eue, Larsen, d'introduire dans nos appartements une fleur de rien ! Vous nous avez rendus impertinents ou ridicules.» On se garda bien de remettre au salon une de ces fleurs potagères. Les maîtres se firent à la hâte excuser auprès de la princesse, rejetant la faute sur leur jardinier qui avait eu cette bizarre fantaisie et qui avait reçu une verte remontrance. «C'est un tort et une injustice, dit la princesse. Comment ! il a attiré nos regards sur une magnifique fleur que nous ne savions pas apprécier ; il nous a fait découvrir la beauté où nous ne nous avisions pas de la chercher et on l'en blâmerait ! Tous les jours, aussi longtemps que les artichauts seront fleuris, je le prie de m'apporter au palais une de ces fleurs.» Ainsi fut-il fait. Les maîtres de Larsen s'empressèrent de leur côté de réinstaller la fleur bleue dans leur salon et de la mettre bien en évidence, comme la première fois. «Oui, elle est magnifique, dirent-ils ; on ne peut le nier. C'est curieux, une fleur d'artichaut !» Le jardinier fut complimenté. (à suivre...)