Intimidation n L'armée thaïlandaise a laissé entendre ce jeudi qu'une intervention musclée était imminente pour disperser les manifestants antigouvernementaux, leur promettant le «chaos» s'ils ne renonçaient pas à leur blocus du centre de Bangkok. Le porte-parole de l'armée a lancé un avertissement aux «chemises rouges» qui exigent des élections anticipées et refusent de quitter un quartier touristique et commercial dans lequel ils se sont barricadés. «Afin de disperser la foule, les autorités prendront des mesures décisives et ce sera le chaos», a assuré un responsable militaire. «Nous ne voulons pas que vous risquiez votre vie. S'il y a un affrontement, vous pourriez être atteints par des balles perdues. Il ne vous reste pas beaucoup de temps. Merci de quitter les lieux et de vous signaler aux autorités», a-t-il ajouté. Cette menace s'accroît de jour en jour depuis lundi. Les «chemises rouges» font désormais face à des soldats armés de fusils d'assaut qui ont pris position pour les empêcher d'étendre encore leur territoire. Et le pays tout entier redoute un nouveau bain de sang après la tentative ratée des militaires, le 10 avril, de déloger les manifestants d'un quartier de la vieille ville de la capitale. Les affrontements avaient fait 25 morts (19 civils, cinq militaires et un journaliste japonais) et plus de 800 blessés. L'hypothèse d'une intervention armée est d'autant plus plausible qu'à l'impasse politique s'ajoute une tension sociale de plus en plus palpable. Dimanche dernier, les « chemises jaunes » royalistes, ennemis jurés des «rouges», ont donné sept jours au gouvernement d'Abhisit Vejjajiva pour en finir avec le mouvement. Et chaque nuit, quelques centaines de manifestants pro-gouvernement, qui se proclament « sans couleur », et dont certains sont des habitants du quartier, provoquent les « rouges » avec des insultes, et des jets de pierres et de bouteilles. La crise pourrait même gagner la province. Un millier de manifestants ont bloqué pendant 24 heures un train transportant des soldats et du matériel dans la gare de Khon Kaen, un bastion du mouvement «rouge». Dans la nuit, quelques centaines de manifestants ont forcé trois bus de militaires à regagner leurs casernes. Et 200 soldats sont aussi retenus par des «rouges». Manifestement, l'opposition ne cède en rien à la menace. Selon l'armée, ils étaient environ 14.000 mercredi soir en centre-ville, à l'heure où tous leurs partisans convergent vers le site, et pas plus de 6.000 ce jeudi matin. Un nombre certes limité, mais qui tranche avec la détermination extrême des cadres qui ont fait dresser des barricades de pneus et de bambous aux entrées du quartier. «Quand les armes sont pointées dans notre direction, nous ne pouvons pas discuter», a déclaré l'un d'eux. «Le moyen le plus simple de régler la crise est de dissoudre le parlement et nous rentrerons à la maison». Certains analystes estimaient pourtant vraisemblables que des discussions secrètes soient en cours pour tenter d'éviter le pire.