Chorégraphie L?établissement Arts et Culture a présenté, dimanche, en collaboration avec le Centre culturel français d?Alger et avec le concours de Safir-Mazafran, une prestation chorégraphique de Angelin Preljocaj. Angelin Preljocaj écrit que Near Life Experience est «une recherche sur différents états du corps liés à des sensations intermédiaires? » Il y a, en effet, une recherche en profondeur du corps, de son langage, de son vocabulaire, de son style? Il y a également une recherche d?une nouvelle forme d?expression, d?une esthétique nouvelle du corps, ainsi qu?une nouvelle perception de soi. Le corps, inscrit dans une spatialité immatérielle, n?est autre qu?une entité anonyme, indéfinie, qui s?étire, se développe sans qu?une action étrangère vienne perturber le déroulement de l?action générale maîtresse et sans qu?un élément, un geste intrus vienne rompre le cheminement initial de la chorégraphie. Une entité, en effet. Et c?est en ce terme-là que l?on peut approcher la chorégraphie de Angelin Preljocaj, une écriture du corps humain dans ses diverses postures, tournures et dans ses différents aspects, pour mieux percevoir, cerner le mouvement, l?évaluer, le situer dans l?espace scénique, incolore, informel. Angelin Preljocaj explore en profondeur le corps humain, pour capturer, pour extraire les impressions qu?il peut dire, les sensations qu?il peut traduire. D?abord, l?entité, plusieurs entités, des existences abstraites surgissent du néant, apparaissent dans une spatialité lumineuse, y prennent naissance ; et, peu à peu, au fil des mouvements qui, excessifs, suaves, se succèdent en abondance, d?abord en douce, puis parfois dans un tumulte convulsif, psychédélique, ces corps évoluent en solo, duo, ou enchevêtrés les uns aux autres, formant des trames abstraites étonnantes. La spatialité est coupée du temps, le temps n?y est pas, n?y opère pas, cela fait d?elle une étendue insaisissable, impalpable, indéfinie? Toutefois, la spatialité, au départ vide, neutre, commence à se matérialiser lorsque les entités (les corps ou les danseurs) l?investissent, l?inscrivent de leur présence, présence en mouvement constant. Le mouvement, souple, soyeux, feutré, glisse à la dérobée, se fond avec une lenteur lascive dans l?espace, il le nomme, le signifie, il trace, çà et là, des courbes, des lignes, des cercles et bien d?autres configurations, d?autres acrobaties, toutes traitées comme un jeu de désir. Effectivement, s?exprime du corps des danseurs un désir érotique et s?affiche une envie charnelle. Une sensualité grande, extrême, qui attise, attire, suinte de ces corps qui, vêtus de costumes de peaux couleur chair, donnant ainsi l?impression qu?ils sont nus, se rapprochent, se frôlent, se touchent, se collent, ils fusionnent, ils s?évanouissent dans le ravissement, puis ils se détachent, changent de partenaires pour s?associer, se combiner autrement, toujours avec la même sensualité, la même jouissance, dans le même ravissement. Near Life Experience, dont la gestuelle scénique était sous l'emprise de sons du duo «air» de Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, deux musiciens passionnés qui ont su donner à ces sons une intensité diachronique, une tonalité stridente, martelante, obsédante, récurrente, oppressante, est une fresque chorégraphique d?une grande esthétique, dépouillée d?artifices et d?une volupté charnelle extrême, éveillant en nous nos premiers instincts qui nous font jubiler.