Résumé de la 1re partie n Les chasseurs n'en croient pas leurs yeux quand ils voient, au bord du précipice, une femme nue qui se désaltère... La chose qui bouge, énorme masse de poils, est... un ours adulte ! Les chasseurs sont trop loin pour toucher la bête d'un coup de fusil (Nous ne sommes qu'en 1807, en pleine gloire de Napoléon Ier). Alors, le groupe se divise en plusieurs équipes qui prennent différents itinéraires. La manœuvre consiste à enfermer la femme nue et son ours dans une sorte de tenaille. Or, la-haut la femme et l'ours se sont redressés d'un même mouvement. Lequel a prévenu l'autre de l'arrivée des intrus ? On ne sait... — L'ours ne semble pas vouloir l'attaquer. — Au contraire, regardez-les tous les deux qui décampent ! Il faudra plusieurs heures à la meute des chasseurs et à leurs limiers pour parvenir à coincer la femme nue dans une impasse de rochers. L'ours qui l'accompagnait a disparu. Les plus courageux ou bien ceux qui connaissent le mieux la femme s'en approchent avec précaution : la créature se recroqueville dans une anfractuosité de pierres moussues. Elle montre les dents et jette en avant des mains griffues. On finit par la maîtriser en essayant d'éviter ses ongles aiguisés comme des dagues. Quelqu'un a songé à apporter un grand châle de laine qu'on lui jette sur les épaules, mais la femme nue ne veut pas se laisser faire. A présent, elle rugit comme une bête fauve : — Elle a vraiment les cris d'un ours, fait remarquer quelqu'un. Le châle de laine qu'on lui a jeté sur les épaules pour couvrir sa nudité est mis en pièces séance tenante. Quelqu'un fait alors un nœud coulant avec une corde de chanvre et il faut bien se résoudre à ligoter la femme nue. Tout le monde, même les plus chastes, est obligé de constater qu'elle est fort bien faite : musclée, nerveuse, dotée de longues jambes et d'attaches fines très aristocratiques. Une fois attachée, la femme, dont la bouche écume, continue à se débattre. Et soudain elle prononce quelques paroles que seuls certains parviennent à comprendre : — Maudits ! Cochons ! Mécréants du diable ! Ceux qui comprennent sont les messieurs de la ville car eux seuls parlent le français. En cette année 1807, au fond de ces vallées pyrénéennes, tous les autres n'ont qu'un seul langage : le patois. Maintenant qu'elle est ligotée, la femme nue, qu'on a recouverte d'une couverture, est hissée tant bien que mal sur un des chevaux qui attendaient au bivouac de la vallée. Et la voilà ramenée en grande pompe jusqu'à Suc. Là, comme il se doit, on la confie à l'autorité morale la plus compétente : monsieur le curé. — Ma fille, soyez la bienvenue. Je devine que vous avez dû passer par bien des souffrances, mais à partir d'aujourd'hui vous regagnez le monde chrétien et tous vos malheurs sont terminés. Monsieur le curé, malgré ses bonnes intentions, se trompe lourdement. Là-haut dans la montagne, quand la nuit tombe, quelques ours poussent des grognements qui expriment leur inquiétude : où est donc leur amie, la femme nue ? Dans la chaleur du presbytère, la femme nue redevient humaine et le montre en se mettant à pleurer. Ainsi, il s'agit bien d'une femme. Les ours et les isards pleurent-ils eux aussi ? Mieux encore, elle se met à murmurer entre ses dents, qu'elle a fort belles, une phrase qui laisse perplexe : — Que dira mon mari ? (à suivre...)