Puis ce fut au tour de son père le prénommé Kouider de disparaître le 19 janvier 1959. Membre d'une cellule de l'Ocfln qui avait été démantelée suite à l'arrestation d'un militant, il fut emmené à la fameuse ferme Chenu de Blida pour y subir les pires tortures. Il mourra ainsi dans les mêmes conditions et au même endroit que son fils, le Chahid Sid-Ali Hocine. Cela s'est passé en janvier 1959. Puis ce sera au tour de Zoubir, le benjamin de la famille Hocine de rejoindre le père et les deux frères aînés. En effet le 19 août 1959, dans un accrochage avec l'armée française, il sera fauché par une rafale de mitrailleuse. Telle est la destinée de mon compagnon Sid-Ali Hocine dont la famille a payé pour l'indépendance de l'Algérie un tribut des plus lourds. Quant à Mohamed Allouane, il prit part à plusieurs embuscades et accrochages au sein d'une section régionale de combat, ainsi que dans la compagnie El-Hamdania. Lors d'une attaque contre l'armée française dans la ville de Marengo, et pendant le repli des moudjahidine, parvenu à la sortie de cette ville, à proximité du cimetière Edekhla, il fut blessé et tomba. Et comme une femme du douar a voulu lui porter secours, il lui dit : «Ma petite mère (ya mouïemtî), apporte-moi seulement un oreiller (pour bloquer le sang qui coule de son corps) que je puisse le serrer sur ma blessure, puis sauve-toi vite et laisse-moi.» Mohamed Allouane laissa les soldats s'approcher de lui, puis tout à coup, se mit à tirer, en tuant un grand nombre, avant de tomber lui-même sous le feu et de rendre son âme à Dieu. Allah Yarham Echouhada. Ali Fettaka, qui était à peu près du même âge que Mohamed Allouane, participera à plusieurs missions dangereuses. Devenu ensuite le secrétaire du responsable militaire de la région II, il tombera les armes à la main lors d'un accrochage où il se battit comme un lion. Allah Yarham Echouhada. Des quatre membres du Commando qui, le 13 janvier 1957, exécuta les attentats en plein centre de la ville de Marengo, je suis donc le seul qui ait survécu. Au moment où j'écris ces lignes à l'âge de 73 ans, m'inspirant et puisant dans mon carnet de poche, je ne puis que me rappeler avec une grande émotion, tous ces valeureux compagnons de mon premier fait d'armes. Certes, je n'ai fait que mon devoir et seulement mon devoir, en tant qu'Algérien, conscient du douloureux, humiliant et inacceptable état de servitude que l'occupant français avait imposé à nos pères, après l'expédition de l'été 1830, et dans lequel les générations postérieures étaient condamnées à naître, à vivre et à mourir... A l'instar de milliers de mes compatriotes dans tous les coins du pays, j'ai milité et combattu pour un seul objectif : que l'Algérie soit libre et indépendante. Je n'ai hélas pas eu l'honneur suprême qui fut le lot béni de plusieurs de mes compagnons d'armes, je ne fus pas élu à l'Istichhad, le bonheur de mourir en martyr les armes à la main dans le sentier d'Allah. Et je m'en console en me répétant ce verset du Saint Coran : «Il est, parmi les croyants, des hommes qui se sont avérés sincères dans ce qu'ils ont donné comme promesse à Dieu. Certains d'entre eux ont accompli leur vœu, tandis que les autres attendent de le faire, mais ils n'ont jamais changé en rien leur pacte...» (sourate El-A hzâ b [les Coalisés}, XXXIII, verset 23).(à suivre...)