Avant que je ne les quitte, Si Salah et Si Saïd tinrent tous les deux à me réitérer leurs félicitations pour le bon accomplissement de la mission que mes trois compagnons et moi-même avions si bien exécutée à Marengo. Le docteur Si Saïd Hermouche me fit de très utiles recommandations et me prodigua de très sages conseils qui devaient ensuite toujours éclairer et guider ma conscience révolutionnaire. Ainsi honoré et encouragé, ce sont les yeux noyés de larmes et le cœur joyeux, que je quittais ces deux grands hommes : Si Salah Zaamoum – qui deviendra le chef de la wilaya IV après la mort du Colonel Si M'hamed (Bougara Ahmed) – et Si Saïd Hermouche qui deviendra, lui, commandant, responsable du service de la santé au sein de la wilaya IV. J'étais très content d'être muté dans un commando par Si Salah Zaamoum, car il n'était pas à la portée du premier venu de prétendre faire partie d'un groupe de combat d'élite. En vérité, seuls ceux ayant passé avec succès l'épreuve probatoire d'une action contre les colons français ou d'un attentat urbain, pouvaient y être admis, et c'était pour cette raison que je jubilais d'avoir pu mener à bien la première mission de fidaï qui m'ait été confiée. Je voudrais parler ici de mes trois compagnons et de ce qu'il advint d'eux par la suite. Sid-Ali Hocine, devenu assez vite la bête noire des policiers et des traîtres, se spécialisa dans le sabotage notamment des poteaux électriques. Il en fut ainsi jusqu'au jour où, déguisé en femme mauresque (avec haïk ou voile) à la manière des fidaïs de la Casbah lors de la Bataille d'Alger, il s'apprêtait à accomplir en solo une mission particulièrement délicate dans la ville même de Marengo, sa ville natale. Malheureusement, il sera démasqué à cause de la paire de pataugas dont il était chaussé. Malgré son accoutrement féminin, il sera reconnu par une Française, madame Toupry, qui alerta une patrouille de militaires français. Ces derniers lui donnèrent aussitôt la chasse. Sid-Ali put se mettre à l'abri dans une maison à proximité de la salle de gymnastique de neuf heures jusqu'à seize heures. Il parvint à leur opposer une farouche résistance. Il sera délogé de son refuge à la faveur de l'intervention d'un half-track venu spécialement de Montebello (Sidi-Rached), une localité voisine, qui bombarda la maison. Blessé au pied et à court de munitions, il fut pris. Il sera envoyé dans le célèbre centre de torture, «la ferme Chenu» à Blida. Torturé à mort, il décédera en martyr le 13 janvier 1958. Il précédera ainsi ses deux autres frères et son père sur le chemin de «l'istichhad». En effet, au cours de l'année 1958-son frère Nourredine également militant de la cause nationale, a rejoint le maquis en compagnie de mon frère Ould-El-Hocine Rabey dans la région de Bordj Ménaïel dans la wilaya III. Bien plus tard dans un accrochage avec l'armée française, ils tombèrent tous les deux les armes à la main. Allah yarham echouhada..(à suivre...)