Statut n Ce quartier populaire est devenu, par négligence, un véritable bourbier. «Une vraie Casbah historique – avec tous ses martyrs, ses anciens combattants, ses artistes, ses artisans – livrée à elle-même par des responsables locaux inconscients», affirme un vieil habitant. «J'ai vu des familles disparaître, des murs détruits, des artisans fermer boutique alors que tout pouvait être encore mis en valeur», dit un autre adossé au mur, en ce froid matin de janvier. Ce quartier renferme la résidence d'un roi : le roi Béhanzin qui a vécu en exil depuis 1894. Il est arrivé en mai 1906 à Blida, de la lointaine Martinique, où l'avaient placé les Français. Voulant le rapprocher de son continent et de son pays, ils le placèrent en résidence surveillée à Blida, dans la petite Casbah – occupée par la suite par les Carmélites – où il séjournera moins d'une année puisque, malade, il mourra en décembre de la même année, à l'âge de 58 ans. Aujourd'hui, le lieu appartient à une banque qui en a bénéficié après l'avoir saisi à un ancien moudjahid qui en avait pris possession après l'indépendance, en l'achetant à la famille Zeddek elle-même bénéficiant du bien à partir de l'héritage des Bencherchali. Deux récentes constructions, dont l'une encore en chantier, seront sûrement démolies pour d'autres visées et les traces de ce que fut la résidence d'exil d'un roi africain disparaîtra à coup sûr. Le ministère de la Culture, les services de protection du patrimoine historique de la nation n'ont-ils pas leur mot à dire ? Pourquoi ne pas placer toute la cité Douirette comme «monument classé» et bénéficier ainsi d'une protection étatique, voire internationale ? Toutes les belles maisons pourront alors retrouver leur lustre d'antan et les senteurs connues des différents parfums spécifiques à la région reviendraient alors comme par enchantement. Le quartier des Ouled Sultan, prénommé ainsi dans le temps, redeviendra réellement celui de la noblesse…des sentiments, de la qaâda… En cette période hivernale, les murs de certaines maisons ont été démolis par les intempéries ; le mobilier (lit et armoire) touché par la chute d'une grande partie du toit d'une chambre laisse entrevoir toutes les affaires rangées dans les parties épargnées par la pierre et la pluie. Les étroites ruelles ne font plus partie de la curiosité des visiteurs et l'abandon de l'ensemble est patent. De Bab Rahba à Bab Dzaier, de Bou Aïba à Zenqet Lakhra, des rues et de ruelles demeurent comme les pages vivantes de l'Histoire du pays dans la Mitidja. Rues Etienne-Dinet, Bacha-Kheireddine, Zedmia, Fromentin, les Pharaons : autant de noms collant à des événements que seule la mémoire collective tente de retenir.