Entre tombes et ossements disséminés, environ 600 familles, dans le plus profond dénuement, squattent le cimetière bondé de Bagon Silang (Renaissance) à Navotas. «Nous aimerions vivre ailleurs, explique Emmalyn, mère, à 20 ans, de deux enfants et enceinte d'un troisième, mais nous sommes nés ici et nous avons grandi ici. Je pense que nous ne pourrons jamais en sortir». Les douze membres de la famille partagent une mauvaise cahute à l'armature en bambou sur laquelle ont été tendues des toiles de plastique. Leur «logement» est planté sur des tombes empilées, comme des containers. C'est là qu'ils dorment, cuisinent, se lavent ou font sécher leur linge. Ici, pas de toilettes ni d'eau courante et les ordures s'amoncellent entre les sépultures où s'activent des milliers de cafards. A Bagon Silang, des corps sont régulièrement extraits des tombes, faute d'espace. Le porte-parole de la municipalité assure que ces familles bénéficieront, à leur décès, d'un enterrement gratuit. Mais les corps ne pourront y demeurer que cinq ans. «Après ce délai, ils devront laisser la place», dit-il. Au crépuscule, des hommes jouent au basket alors qu'un air de karaoké emplit l'atmosphère. «Parfois, les enfants jouent avec des crânes», glisse Emmalyn. Les mauvais esprits ? Rien à craindre. Si un fantôme se présente, nous l'insultons», soutient Marcelo, son petit frère.