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«Les gens ne respectent plus rien»
Les morts d'El Alia ne sont pas épargnés par l'incivisme des vivants
Publié dans La Tribune le 17 - 06 - 2009


Photo : Zoheir
Par Samir Azzoug
L'ultime résidence. Le dernier refuge. Le cimetière. Dans la culture algérienne, comme dans toutes les sociétés, ce lieu bénéficie (normalement) de l'attention et du respect auquel a droit tout ce qui est sacré. Espace de recueillement, de souvenir et de méditation, il rappelle au visiteur que si heureuse soit sa vie, si stressante, remplie ou vide, la fin est la même. Tous les hommes sont égaux face à la mort. Mais, l'Algérien d'aujourd'hui a-t-il le temps de s'attarder sur ce genre de réflexion ? Reste-t-il quelque chose de sacré dans le raisonnement du peuple ? La question mérite d'être posée, quand on voit ce qui se passe dans les cimetières de l'Algérois. Ces endroits sacrés souffrent de la même calamité qui affecte les rues, les cités d'habitation et les espaces publics : l'incivisme. Un mal plus profond et plus sombre que les tombes elles-mêmes.
«Je n'aurais jamais imaginé qu'on pouvait à ce point offenser les morts»
El Alia. Du nom de la femme qui fit don de sa propriété pour que soient accueillis, dans leur dernière demeure, les corps de personnes décédées.
Ce cimetière est devenu le plus grand et le plus célèbre d'Algérie avec près de 80 hectares réservés aux inhumations. Aujourd'hui, quelque 250 000 tombes, de musulmans et de non-musulmans, sont alignées dans un agencement parfois ordonné et parfois négligé. «Le cimetière d'El Alia, ouvert depuis 1942, s'étend sur une superficie de 78 hectares et 17 ares. Il est divisé en trois parties. Le carré des officiels, celui des chrétiens et la partie restante est prévue pour les tombes musulmanes», informe M. Souilah, chef de service au cimetière.
L'entrée par la porte principale offre au visiteur l'image d'un lieu paisible et bien entretenu. Situé à gauche de l'entrée, le carré des martyrs qui accueille les dépouilles de personnalités nationales historiques, de la révolution et de l'Etat semble bénéficier de tous les égards de la part de l'administration du cimetière. A droite, la partie chrétienne a subi les affres du temps et du public. Mais on sent une certaine volonté de conserver ce qui est encore debout. Deux petits carrés sont réservés de part et d'autre de l'allée aux sépultures chinoises.
Plus on avance à travers les allées du cimetière, plus l'ordre des tombes est aléatoire. L'herbe haute cache au regard plusieurs stèles. Des agents se chargent, sous une atmosphère suffocante, de défricher ces espaces. «De mai à septembre, c'est la période de désherbage», explique M. Souilah.
Pour ce qui est de la surveillance et de l'entretien du cimetière, le chef de service explique que 60 agents sont mobilisés. «C'est largement suffisant», dit-il. Est-ce plausible ? 60 agents pour 80 hectares ?
«Nous sommes complètement dépassés», s'alarme Madjid, un des agents de sécurité délégués par la wilaya d'Alger. «Nous sommes 6 et le territoire à surveiller est immense. De plus, nous travaillons sans système de télécommunication. Nous n'avons pas de talkies-walkies. Cela complique davantage notre tâche. Particulièrement en cette période chaude où des feux se déclenchent de temps à autre», poursuit-il. Madjid en a gros sur le cœur. En poste depuis six ans, il en a vu des vertes et des pas mûres. «Il y a des choses qui se passent dans ce cimetière, qui dépassent tout entendement. Je n'aurais jamais imaginé qu'on pouvait à ce point offenser les morts, moi qui viens d'un petit village où l'on respecte encore ces lieux,» regrette-t-il. «Une dame, installée dans l'enceinte d'El Alia, y pratique la sorcellerie. Tôt le matin, de nombreuses personnes viennent la consulter. De mes propres mains, j'ai retiré des photos de personnes et des amulettes de l'intérieur des tombes profanées ou accrochées aux branches des arbres. Nous avons alerté les services de sécurité, mais cette femme n'a pas encore été délogée des lieux», raconte-t-il, désabusé.
Incivisme, sport et cours
Mais là n'est pas le gros du travail des agents. C'est le comportement des citoyens qui leur cause beaucoup de problèmes. «Les gens ne respectent rien. Ils prennent le cimetière pour un espace de détente. Depuis quelque temps, nous avons réussi à nous débarrasser des bandes d'agresseurs, de ceux qui venaient y consommer des stupéfiants et d'autres adeptes des plaisirs interdits. Mais, il reste les personnes qui y viennent quotidiennement, en fin de journée, pour exercer des activités physiques. On n'a pas idée de faire du sport dans un cimetière !» s'étonne Madjid. L'autre pratique qui pose problème est celle consistant à transformer les allées du cimetière en circuit automobile. «Des gens viennent ici pour apprendre à conduire. Et le bouche-à-oreille a fait que de plus en plus de citoyens viennent s'y exercer, car l'entrée du cimetière est libre», poursuit-il. Des faits plus graves sont dénoncés par l'agent de sécurité. «On prend tout sur le dos. La critique est toujours orientée vers nous. Mais en vérité, on travaille beaucoup. Regardez cet amas de vêtements entre les tombeaux ou ces bouteilles en plastique écrasées. Les agents d'entretien n'arrêtent pas de ramasser et cela n'en finit jamais», se désole-t-il. «Tous les samedis nous remplissons 9 camions de bouteilles vides et autres déchets jetés dans les cimetières», nous informait auparavant M. Souilah.
Un parasite nommé mendiant
Quant aux vêtements abandonnés sur les lieux, Madjid révèle qu'ils sont laissés sur place par les nombreux mendiants qui s'alignent le long des allées. «Des citoyens charitables, venant se recueillir sur les tombes des êtres chers, distribuent des vêtements aux quêteurs. Mais, ces derniers ne sont intéressés que par la monnaie sonnante et trébuchante. Parfois, ils ouvrent les sacs offerts, trient les vêtements, prennent ce qui les intéresse et jettent le reste. Avant la fin de la matinée de vendredi, des tas de vêtements, du pain et d'autres offrandes s'amassent entre les tombes», raconte Madjid. Selon lui, ces mendiants sont de véritables parasites. Ils ne reculent devant rien et n'ont peur de personne. «Ils savent qu'en tant qu'agents, nous n'avons pas le droit de les brusquer.
A plusieurs reprises, j'ai failli me faire agresser par de vieilles femmes. Elles me sautent au visage, dès que je leur demande de baisser la voix, de changer de place ou d'arrêter d'importuner les visiteurs. Mais je n'ai pas les prérogatives d'un agent de l'ordre public. Mes pouvoirs sont limités», regrette-t-il.
Les déboires de Madjid ne s'arrêtent pas là. «Un jour, quelqu'un est venu me dire qu'on a volé des fleurs de la tombe de son proche. Je sais que cela est blessant, mais il n'a rien vu. Des chaheds [stèles] sont parfois dérobées. Il y a de véritables trafics dans le cimetière. Alors, des fleurs… !»
Les carrés des vivants
En racontant son quotidien, Madjid passe à quelques mètres du carré anglais. Espace gazonné, stèles alignées, un jet d'eau arrose les tombes et un gardien les surveille. «Cet espace ne dépend pas de l'administration d'El Alia. Il est géré par des étrangers», informe-t-il. Face à cet endroit apaisant, un amas de tôles. Devant, des ordures à moitié jonchent le sol. On est toujours à l'intérieur du cimetière. Un enfant sort d'entre les plaques de fer. Il est bien vivant. El Alia n'est pas seulement habitée par les morts, 107 familles y demeurent. Certains affirment qu'ils sont 500 personnes à occuper «les carrés des vivants». Abdelkader, père de quatre enfants en fait partie. « Je n'attend plus rien des autorités. Cela fait des décennies qu'on me promet d'être relogé, il n'en est rien», se résigne-t-il.
Fils d'un ancien fossoyeur, Abdelkader habite à l'intérieur du cimetière depuis près de 40 ans. «Auparavant, nous étions quatre familles, logées avec l'autorisation de l'administration, dans des chalets. Ces derniers faisaient office de logements de fonction pour des employés du cimetière. Avec le temps, nous avons grandi, nous nous sommes mariés et nous avons dû construire des baraques mitoyennes aux chalets. Le nombre d'occupants grandissant, des “étrangers” sont venus s'installer avec nous», raconte le quadragénaire. «Aujourd'hui, j'ai quatre enfants et j'habite toujours dans un qasdir [habitat précaire]», poursuit notre interlocuteur qui précise qu'en 1989 plusieurs familles ont bénéficié de logements sociaux. Mais l'occupation des lieux n'a pas pris fin.
La raison ?
Abdelkader l'explique : «La faute est partagée entre les autorités et les occupants. Les uns n'avaient pas prévu assez d'appartements pour reloger tout le monde. Certains ont, par cupidité, vendu leurs appartements pour bénéficier d'une prochaine attribution, d'autres ont loué leurs bicoques et les autres ont fait appel à leurs cousins pour profiter de ce bon filon», se désole-t-il. Abdelkader reconnaît tout de même qu'il a failli être relogé en 2003. «Mais suite au séisme qui a frappé Boumerdès, des familles plus dans le besoin que nous sont passées en priorité, chose que j'accepte volontiers.» Ce que n'admet pas le gardien des tombes, c'est le fait que, plus tard, des terrains mitoyens au cimetière ont été cédés par la commune sans qu'il en fasse lui-même partie. «On [les responsables de la mairie] nous a expliqué que nous n'étions pas concernés, car c'est la commune de Dar El Beida qui a attribué les lots. Mais en fait, je suis persuadé que c'est faux. La raison est simple : nous n'avons ni argent ni de recommandation. C'est pour cela que nous sommes toujours condamnés à vivre dans ces conditions. On ne s'en plaint pas. Quand on regarde ces tombes, on se dit que rien ne mérite de se faire du mouron.» «Je ne peux rien vous dire à ce sujet. Seulement que c'est un dossier ficelé», dira M. Souilah, chef de service d'El Alia, à propos de ces habitants. Il faut savoir que le relogement n'est pas dans les prérogatives de l'administration du cimetière. «Pour l'heure, personne n'est venu nous voir. Aucun agent de l'administration ou de la commune ne s'est présenté pour statuer sur notre sort. C'est le flou absolu. Je n'arrête pas de faire le va-et-vient entre la commune et la daïra. Les responsables
alternent le chaud et le froid. On ne nous a ni rassuré ni désespéré. C'est le statu quo total», déplore Abdelkader.
En résumé : incivisme, bruit, mendicité, rapine, inconscience et habitat précaire, les espaces réservés aux morts subissent les mêmes fléaux que ceux des vivants. A quand le repos ?


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