Nous avons été très étonnés de voir la population fuir, alors que nous n'avions pas entendu les bruits des moteurs de camions, de chars ou d'avions. «D'où sont venus les soldats français ?», demandions-nous à la population, qui, affolée et prise de terreur, fuyait dans toutes les directions sans nous répondre. Rapidement Si Moussa nous rassembla et nous donna des instructions sur la stratégie et les précautions que nous devions scrupuleusement respecter ; en l'occurrence, garder un intervalle de 100 mètres d'un groupe à l'autre, prendre la direction opposée à celle prise par les civils dans leur fuite... Le point de rendez-vous avait été fixé sur la crête de la montagne de Tamesguida. Si Moussa nous a dit : «Que le premier groupe qui repère l'ennemi l'attaque !» Si Rezki, chef de groupe, demanda à Si Moussa : «Et si les soldats sont trop nombreux ?», «Même s'ils sont toute une division, il faudra les attaquer. Et maintenant, courage, mes frères ! Avancez et ayez foi en Dieu et qu'Allah soit avec nous !» nous dit Si Moussa. Nous nous sommes donc mis à la recherche des soldats ennemis, que nous n'avions pas encore réussi à repérer, et nous nous demandions comment ils pouvaient se trouver en pleine montagne, tout à côté de nous, tout en restant invisibles. Le premier et le deuxième groupes se trouvaient avec Si Moussa. Nous sommes arrivés au rendez-vous, alors que le troisième groupe ne s'y trouvait pas encore. Si Moussa, haut juché sur la crête, cherchait à repérer les soldats avec ses jumelles. Il ne tardera pas à déceler leur présence dans une clairière, circulant par petits groupes de 5 à 6 soldats, vêtus de djellabas. «Les voilà, ces salauds de parachutistes !», nous dit-il. Toujours avec ses jumelles, il fouilla le décor alentour pour situer la position du troisième groupe de notre commando. Il repérera ce dernier alors qu'il s'apprêtait à attaquer les paras. Si Moussa nous donna immédiatement de nouvelles instructions. Nous devions, en faisant très attention, descendre à toute vitesse pour pouvoir prendre l'ennemi en «tirs croisés.» Le troisième groupe, commandé par Si Ahmed Khelassi, l'adjoint de Si Moussa, attaqua les paras au moment même où nous sortions de l'oued pour prendre l'ennemi en sandwich. Là-dessus, nous avons entendu des appels et des cris : «Les soldats ! Les soldats !». Surpris par ces appels, nous avons marqué un instant d'hésitation, croyant que l'ennemi se trouvait derrière nous. Comme j'étais l'avant-dernier de la file en sortant de l'oued, j'avais freiné mon élan. Si Moussa, qui fermait notre marche et surveillait nos arrières, se trouvait juste derrière mon dos. Il me poussa des deux mains, en me disant : «Dedans, dedans !», Le troisième groupe, qui avait ouvert le feu le premier sur les paras se trouvait ainsi sur le point de donner l'assaut, avait reculé en entendant les appels des civils. Cette hésitation de notre part s'était révélée salutaire pour les paras, qui avaient commencé à prendre la fuite en emportant leurs blessés. Les paras sont partis se réfugier dans la kouba du wâlî Sidi El-Madani, alors que le groupe où je me trouvais était sur un versant de l'oued, tandis que l'autre groupe campait sur le versant opposé. (à suivre...)