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Le commando Si Zoubir accroche le «commando noir»
TAMESGUIDA
Publié dans L'Expression le 30 - 10 - 2004

Le commando noir des parachutistes était composé d'éléments d'élites, ils avaient fait la guerre d'Indochine.
C'était le 21 mars 1957, on se trouvait du côté de Lodi-Damiette. Il était midi lorsqu'un agent de liaison nous informa que les soldats français étaient au douar Mechmèche. Il fallait faire une marche de 6 à 7 heures pour arriver sur les lieux.
Nous avions pris le départ à l'instant même. Il fallait faire très attention car il faisait jour, l'aviation ennemie survolait la région. Il existait un poste militaire installé dans une ferme des soeurs (Haouch El Yassourettes) d'où les soldats pourraient nous repérer avec leurs jumelles, pour traverser les espaces qui n'étaient pas boisés. Il fallait ramper à plat ventre sur plusieurs centaines de mètres.
A cinq heures de l'après-midi, nous étions près du douar Mechmèche. Nous avions appris par les habitants que les soldats ennemis étaient partis. Cette nouvelle nous avait causé l'effet d'une grande déception par le fait que nous étions arrivés en retard pour déclencher une attaque contre l'armée française et pour assouvir notre soif de vengeance. La population du douar ne nous avait pas réservé un bon accueil, nous avions compris qu'au fond de sa pensée, elle se disait qu'il fallait arriver plus tôt pour combattre les parachutistes qui brûlaient leurs maisons et semaient la terreur sur les passage, il ne fallait pas lui en vouloir, nous avons compris sa souffrance. Les habitants du douar Mechmèche ne savaient pas que nous étions très loin et que nous avions couru, fait tout notre possible pour arriver et accrocher l'ennemi, hélas ! Mektoub Allah, nous étions très déçus. Nous nous sommes dirigés vers un refuge situé à 300 mètres du douar. Après avoir mangé, nous nous sommes reposés. Le matin, très tôt, nous avions entendu des cris et des appels «les soldats, les soldats». Enfin, nous allons combattre, nous étions heureux de nous acquitter de la dette envers nos hôtes, nous étions étonnés de voir la population fuir, sans avoir entendu de moteur de camion, d'avion ou de char. «D'où sont venus les soldats français?» La population, prise de terreur, fuyait sans nous dire d'où venaient les soldats.
«El aaskar, el aaskar!»
Si Moussa nous a fait un rassemblement ; il nous donna des instructions de stratégie qu'il fallait respecter, garder un intervalle de 100 mètres d'un groupe à l'autre, prendre la direction opposée d'où fuyaient les civils. Le rendez-vous était fixé sur la crête de la montagne de Tamesguida. Il nous avait dit: «Le premier groupe qui repère l'ennemi l'attaquera». Si Rezki, chef de groupe demanda à Si Moussa: «Et s'ils sont nombreux?» Il lui répondit que même s'ils sont une division, «il faudrait attaquer et maintenant, courage! avancez mes frères, ayez la foi en Dieu et qu'Allah soit avec nous».
Nous étions à la recherche des soldats ennemis qu'on n'a pas encore vus et on se demandait comment se trouvaient-ils en pleine montagne à côté de nous. Le 1er et le 2e groupes, avec Si Moussa, étions arrivés au rendez-vous; le 3e groupe n'était pas encore arrivé. Si Moussa du haut, cherchait à repérer les soldats avec ses jumelles. Il les avait aperçus dans une clairière en train de circuler par petits groupes de 5 à 6, habillés de djellabas, il nous a dit: «Ils sont là, les salauds de parachutistes.» De ses jumelles, encore, il cherchait notre 3e groupe; il l'avait repéré en train de se préparer à attaquer les paras. Si Moussa nous donna de nouvelles instructions qui consistaient à faire attention, de descendre en vitesse pour prendre l'ennemi en tir croisé. Le 3e groupe, commandé par Si Ahmed Khelassi, adjoint de Si Moussa, attaqua les paras au moment juste où nous sortions de l'oued pour surprendre l'ennemi entre nous. Tout à coup, nous avoins entendu des appels et des cris «Les soldats, les soldats!», nous étions surpris par ces appels. Il y avait eu une hésitation de notre part, croyant que l'ennemi était derrière nous. J'étais l'avant-dernier en sortant de l'oued, j'avais freiné mon élan, Si Moussa, après moi, me poussa de ses deux mains dans le dos en me disant: «Dedans, dedans». Le 3e groupe qui avait ouvert le feu le premier sur les paras et qui était sur le point de faire l'assaut, avait reculé en entendant les appels des civils. Cette hésitation de notre part était salutaire pour les paras qui fuyaient en ramassant leurs blessés, mais malheureuse pour nous. Les paras s'étaient réfugiés dans une kouba du Ouali Sidi Madani, notre groupe était sur un versant de l'oued tandis que l'autre groupe était sur le versant opposé. L'embuscade n'ayant pas réussi, l'accrochage avait commencé. L'ennemi avait une meilleure position de tir que la nôtre et il fallait faire attention de ne pas s'exposer lors de nos tirs sur les paras. Juste à mes côtés, le moudjahid Si Abdelkader Chamouni de Aïn Defla, avait reçu une balle qui lui a écorché le cou lors de son tir sur l'ennemi. Pour tromper les soldats français, Si Maâmar, tireur de la mitrailleuse FM Bar, tirait par intermittence sur les deux côtés de l'oued pour faire croire à l'ennemi que nous disposions de deux mitrailleuses.
Le 3e groupe de Si Ahmed qui avait une mitrailleuse 24/29 s'était replié lorsqu'il avait entendu les appels des civils qui criaient: «El aaskar, El aaskar». Par la suite, nous avions constaté qu'il ne s'agissait pas de soldats français mais des moudjahidine du commando du bataillon de la Wilaya IV qui revenaient avec des armes lourdes récupérées dans l'embuscade de Damous (Duplex), à Cherchell, le 28 février 1957. Trois moudjahidine et moi, avions voulu entrer dans l'oued pour attaquer les paras de face; ils nous avaient vus et commencèrent à tirer sur nous aux lances VB. L'opération étant trop risquée, nous avions repris nos places de combat. L'accrochage faisait rage, les paras qui disposaient d'un poste de transmission avaient fait appel à l'aviation; l'arrivée des avions ennemis était inutile car ils ne pouvaient tirer sur nous. Il y avait du brouillard. Une section de Si Nacer de Ahmeur El Aïn était arrivée pour participer au combat avec nous. Si Moussa qui s 'apercevait que la section de Si Nacer avançait vers l'ennemi et de peur de les voir arriver au combat au corps à corps avec les paras, lui avait demandé d'aller s'installer avec sa section à 100 mètres de la nôtre avec l'instruction de ne pas laisser le passage à l 'ennemi. Si Moussa voulait en finir avec les paras, il nous a ordonné de faire un tir de barrage, de lancer nos grenades et faire l'assaut sur l'ennemi: «Allah Akbar, ouel houdjoum fi sabil Allah.» Dans la kouba du Ouali, nous avions trouvé des corps de paras dont un lieutenant, deux traîtres étaient égorgés par les paras et dont les têtes étaient accrochées sur des piquets d'arbres. Ils s'étaient vengés sur les deux traîtres avant d'être abattus par nous.
Maîtres des maquis
Après ce long combat qui a duré du matin au soir, nous avions fait un prisonnier Martiniquais, sergent chef. Il avait une carabine US avec 120 balles et 12 grenades. Il tremblait de peur, ne cessait de dire à notre chef: «Moussa, Moussa, moi bon, donne des bonbons aux enfants de Blida, moi gentil avec les civils.» Si Moussa lui avait ordonné de se déshabiller. Nous avons commencé à l'interroger. Il nous avait donné quelques informations et renseignements militaires importants. Si Moussa s'adressait à moi en me disant: «Si Cherif, prépare toi, tu sais ce que tu dois faire.» J'ai retiré une feuille de mon bloc notes où j'ai écrit: «Si Zoubir n'est pas mort, il est toujours vivant.» Ensuite si Moussa avait ordonné à un moudjahid de charger son fusil de chasse de chevrotine et de tirer sur le para; ceci fait, j'avais glissé ma feuille de papier entre les dents du para.
Ce commando noir de parachutistes était dirigé par le lieutenant Guillaume. Le 21 mars, après leurs opérations au douar Mechmèche, le colonel Bigeard avait demandé des volontaires pour passer la nuit au maquis en contre partie d'une promotion dans le grade et d'une prime très importante. Il y avait eu 58 volontaires. Cette opération de volontaires était pour démontrer à une délégation de sénateurs américains et français, de passage dans la région de Blida, qu'il n'y avait pas de combattants algériens à part quelques bandes de rebelles communistes, le colonialisme français et son armée avaient voulu prouver également à la population algérienne qu'ils étaient les maîtres des maquis, comme les maîtres des villes et villages.
Le commando noir des parachutistes était composé d'éléments d'élites, ils avaient fait la guerre d'Indochine, sortaient des écoles de guerre très expérimentées dans la guérilla. Ils étaient bien camouflés, c'était la raison pour laquelle les habitants de Mechmèche n'avaient pas remarqué leur présence. Ils avaient eu l'audace de passer la nuit au maquis pas loin du douar et presque à côté de nous. Ils avaient pu tromper la vigilance des moussebiline et des habitants qui ont cru que les paras étaient repartis vers leurs casernes, à Blida, Mouzaïa, Chiffa après le ratissage de la veille hélas!
Après notre victoire sur les paras, toute la population de la région de Tamesguida, Kahahla, Mouzaïa était joyeuse, leurs visages étaient rayonnants, surtout celle du douar Mechmèche qui avaient beaucoup regretté le mauvais accueil de la veille. Nous leur avions prouvé qu'on n'avait pas peur des soldats français. Du matin au soir, les habitants de la région nous avaient encouragé, les hommes avec leurs appels «Allah yansarkoum ya el moudjahidine», les femmes avec leurs youyous, les enfants chantaient «Min djibalina» tous pleuraient de joie, d'avoir vu de leurs yeux la défaite de l'armée française et de les avoir vengés pour le mal qu'ils avaient subi. Quant à la population française de Blida, des villes environnantes, les colons et les militaires étaient en deuil et pleuraient le commando de paras qui n'est pas revenu. Nous, les moudjahidine, étions très satisfaits d'avoir vengé notre valeureux chahid Si Zoubir et nos 27 étudiants, dont une jeune fille, tués sans défense ni armement au douar Sbaghnia, en février 1957, ainsi que les civils blessés par le commando noir de paras qui avait fait la terreur dans la région de Blida, Mouzaïa, Chiffa, El Affroun. Notre population était encore plus heureuse de savoir que nous avons tué les deux traîtres Kiouaz et Bengalal, ces deux traîtres avaient massacré des civils musulmans.
Nous, les moudjahidine, avions prouvé à la délégation de sénateurs américains et français que nous existions, que nous défendions notre patrie avec acharnement, avec notre courage, notre foi et que nous nous sacrifierons jusqu'à l'indépendance de notre Algérie.
Plusieurs officiers et sous-officiers avaient été tués, dont le lieutenant Guillaume, fils du général Guillaume résident au Maroc, les deux traîtres Kiouaz et Bengalal. Nous avions récupéré un poste de transmission radio 303, des caisses de munitions et de grenades ainsi que plusieurs armes automatiques et des carabines VS. De notre côté, un mort, c'est un jeune de 18 ans, Bouras Mohamed d'El Affroun et trois blessés Takarli Si Slimane, Si Mahfoud de Khemis El Khechna et Chamouni Si Abdelkader d'Aïn Defla.
Après avoir enterré notre chahid, Si Bouras et évacué nos blessés vers l'infirmerie régionale, Si Moussa nous avait demandé de prendre le départ vers Hadjout, Cherchell où d'autres combats nous attendent. C'est grâce à notre courage, à notre foi en Dieu et à notre sacrifice que nous avions gagné la grande bataille de Tamesguida le 22 mars 1957 contre le commando noir de parachutistes français.
Gloire à nos martyrs!


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