Cette hésitation a été salutaire aux paras qui ont eu le temps de se réfugier avec leurs blessés dans la kouba de Sidi el-Madani, alors que le groupe où je me trouvais était sur un versant de l'oued, tandis que que l'autre groupe campait sur le versant opposé. L'embuscade n'ayant pas réussi, l'accrochage a tout de suite commencé. L'ennemi occupait une position de tir meilleure que la nôtre, et nous devions donc faire très attention à ne pas nous exposer lors de nos tirs. Juste à mes côtés, le moudjahid Si Abdelkader Chamouni, de Aïn-Defla, a reçu une balle qui lui a écorché le cou alors qu'il tirait sur l'ennemi. Pour tromper les soldats français, Si Maâmar, se servant de la mitrailleuse FM Bar, tirait par intermittence sur les deux côtés de l'oued pour faire croire à l'ennemi que nous dispo-sions de deux mitrailleuses. Le troisième groupe, celui de Si Ahmed, qui avait une mitrailleuse 24/29 s'était replié, lorsqu'il avait entendu les appels des civils qui criaient : el-aâskar, el-aâskar (les soldats, les soldats !). Par la suite, nous avons constaté qu'il ne s'agissait pas de soldats français, mais des moudjahidine du commando du bataillon de la wilaya IV, qui revenaient avec des armes lourdes récupérées dans l'embuscade de Dupleix (Damous) le 28 février 1957. Trois moudjahidine et moi-même avions voulu nous glisser dans le fond de l'oued pour attaquer les paras de face, mais ils nous ont vite repérés et ont commencé à tirer sur nous avec des lances V.B. L'opération étant trop risquée, nous avons immédiatement regagné nos places de combat. L'accrochage faisait rage, les paras, qui disposaient d'un poste de transmission radio, ont vite appelé l'aviation à leur rescousse, bien que l'intervention de cette dernière soit complètement inutile, car le brouillard empêchait les pilotes de nous tirer dessus. Une section commandée par Si Nacer de Ahmeur El-Aïn était arrivée pour prendre part au combat à nos côtés. Si Moussa, demanda à Si Nacer d'aller s'installer avec sa section à 100 mètres de la nôtre, avec instruction de ne pas laisser le passage à l'ennemi. Si Moussa, résolu à en finir une fois pour toutes avec les paras, nous ordonna de faire un tir de barrage, de lancer nos grenades et de faire un assaut massif sur l'ennemi : «Allâhou Akbar, wal-houd-joûm fi sabîli 'Llâh» (Dieu est le plus Grand ! À l'assaut dans la Voie de Dieu !). À l'intérieur de la kouba du wâlî, nous avons découvert des cadavres de paras, dont celui d'un lieutenant, ainsi que ceux de deux traîtres. Acculés et désespérés, les paras s'étaient vengés sur les deux traîtres. Avant notre assaut, ces derniers furent, en effet, égorgés et leur tête posée sur des piquets. Après ce long combat qui a duré du matin au soir, nous avons fait un prisonnier martiniquais, qui portait le grade de sergent-chef. Il avait une carabine US avec 120 balles et 12 grenades. Tremblant de peur, il n'arrêta pas de dire à notre chef : «Moussa, Moussa, moi bon, donne des bonbons aux enfants de Blida, moi gentil avec les civils.» Si Moussa lui a ordonné de se déshabiller, puis nous avons commencé à l'interroger. Il nous donna quelques informations et renseignements importants. Si Moussa s'adressa à moi en me disant : «Si Cherif, prépare-toi, tu sais ce que tu dois faire.» J'ai retiré une feuille de mon bloc-notes où j'ai écrit : «Si Zoubir n'est pas mort, il est toujours vivant.» Ensuite, Si Moussa ordonna à un moudjahid de charger son fusil de chasse de chevrotines et de tirer à bout portant sur le para martiniquais. Après cela, j'ai glissé ma feuille de papier entre les dents du para. (à suivre...)