Enquête n Un mandat d'arrêt a été délivré contre sept généraux ou amiraux turcs et 95 autres inculpés dans un complot présumé de coup d'Etat fomenté en 2003. Deux amiraux et cinq généraux de différents rangs, tous en activité, figurent parmi les suspects mentionnés dans le mandat d'arrêt délivré hier (vendredi) par un tribunal d'Istanbul, selon l'agence de presse Anatolie. Trois généraux en retraite, dont l'instigateur principal du complot présumé, figurent également sur cette liste, selon la même source. Au total 196 personnes ont été inculpées dans ce complot présumé, qui aurait été fomenté au siège de la Première armée à Istanbul, après l'arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP), une formation issue de la mouvance islamiste. L'arrivée de l'AKP avait fait redouter à une partie de l'opinion et de la hiérarchie militaire une remise en cause de la laïcité en Turquie. Le complot «Opération masse de forgeron», visait à commettre des attentats dans des mosquées et à provoquer des tensions avec la Grèce pour semer le chaos et justifier un coup d'Etat, selon l'acte d'accusation rendu public lundi dernier. Mais le principal inculpé, le général Cetin Dogan, ancien chef de la Première armée, a répété qu'il ne s'agissait que d'un scénario parmi d'autres envisagé par les militaire en cas de conflit avec la Grèce. Les commandants des flottes du nord et du sud font partie de la liste du mandat d'arrêt. Outre le général de réserve, y figurent les anciens chefs de la marine et de l'armée de l'air. Environ 40 militaires d'active ou à la retraite avaient été arrêtés en février dernier dans cette affaire, provoquant une vive émotion dans le pays, puis remis en liberté après des mises en cause de la procédure. Ils sont accusés d'avoir «tenté de renverser le gouvernement ou de l'empêcher de mener à bien sa mission par la force ou la violence» et risquent de 15 à 20 ans de prison. Parallèlement à cette procédure, pas moins de 290 personnes ont été inculpées depuis 2007 dans différentes enquêtes sur le réseau dit Ergenekon, accusées d'avoir voulu semer le chaos pour favoriser un putsch. Plus de cent prévenus, dont des généraux, journalistes ou chefs de la pègre, sont écroués dans l'enquête Ergenekon. Ces affaires ont porté gravement atteinte à l'armée, une institution qui se veut la garante de la laïcité et qui a renversé quatre gouvernements en un demi-siècle. Ces enquêtes sont très controversées, selon que l'on s'adresse à des partisans de l'AKP ou à l'opposition kémaliste et laïque qui dénonce une dérive du pouvoir, soupçonné de suivre un «emploi du temps caché» d'islamisation rampante du pays et sur le terrain diplomatique de se rapprocher des pays arabes et de l'Iran. Interrogé lors de l'annonce de l'acte d'accusation dans l'affaire «masse de forgeron», l'universitaire Ahmet Insel a ainsi estimé que «pour la première fois on voit une volonté de rendre l'armée responsable devant les civils, ce qui est une normalisation du système si l'on considère que l'armée ne doit plus être une force de tutelle politique». «Mais, a-t-il ajouté, on peut aussi voir dans ces procès la volonté de mettre à genoux une armée qui s'est souvent opposée à l'AKP».