Résumé de la 5e partie Le journaliste alla voir le dénommé Kennedy. Il espérait en apprendre plus sur Marie Baker. Ses actionnaires n?eurent jamais à le regretter, puisque pendant un demi-siècle, le succès de Science et santé ne se démentit jamais. Il fut réédité plus de cinquante fois. C?était un ouvrage religieux à prétention médicale qui contenait l?essentiel de ce qui plaît au public américain : des idées délibérément optimistes, extrêmement simples, peu nombreuses et répétées à l?infini. Enfin, il faut bien le dire, le nom de la société d?édition, Christian Science (science chrétienne) était, pour l?époque, positivement génial. Bien sûr, tout cela ne dit pas au journaliste du Word si Marie Baker est encore vivante en 1906. Mais il pense le savoir bientôt car le consistoire de la Christian Science finit par accepter l?idée d?une interview. Il est entendu qu?il pourra voir Marie Baker et lui poser quatre questions. Les trois premières porteront sur sa santé et la dernière sera celle-ci : «Gérez-vous personnellement votre fortune ?» Pour le public américain, c?est évidemment la plus importante. En attendant cette confrontation, l?enquête du journaliste continue. Il découvre qu?en 1853, voici plus de cinquante ans, Marie Baker, jeune femme pauvre et paralysée un jour sur deux, est parvenue à se marier. L?élu était un homme qui, n?ayant pas eu le temps de fréquenter l?université, s?était lui-même délivré un diplôme de dentiste. Pendant plus de dix ans, il a résisté à cette épouse malade et autoritaire. N?y tenant plus, il s?est engagé volontairement pendant la guerre civile. Fait prisonnier sous l?uniforme des fédéraux dès le premier combat, il a été libéré à la paix et a demandé le divorce aussitôt. Et voici mieux encore : le journaliste du Word apprend l?existence d?un fils dont Marie ne s?est jamais occupée. Il a vécu dans une ferme de l?Ouest, jusqu?à ce que des avocats l?incitent à intenter un procès contre le consistoire de la Christian Science pour «captation d?héritage». Mais aujourd?hui, en 1906, il est riche. On a acheté son silence pour une somme représentant un milliard deux cent cinquante millions d?anciens francs? Cet enfant est né d?un précédent mariage de Marie Baker, en 1842. Elle avait alors vingt-deux ans. Ce premier mari étant mort quelques mois plus tard, elle était retombée, déjà malade, à la charge de son père, puis d?une s?ur, pendant un veuvage de neuf ans. Mais avant cela, qui était Marie Baker ? Peu à peu, le journaliste reconstitue l?enfance d?une malheureuse petite fille née dans une famille paysanne. Les Baker s?acharnaient à cultiver, dans le nord-est des Etats-Unis, une mauvaise terre bien trop petite pour nourrir une douzaine d?enfants. La vie était déjà dure pour tous ; elle l?était davantage pour Marie. Sujette à des convulsions, elle ne pouvait ni travailler à la ferme ni fréquenter l?école. Longtemps analphabète, tout ce qu?elle apprit lui vint du seul livre de la maison qu?elle s?obstinait à déchiffrer : la Bible. C?est donc cette enfant malade, pauvre et ignorante, devenue une vieille femme fabuleusement riche, qui doit enfin paraître devant le journaliste du Word en 1906. Le jour venu, dans le grand salon de réception, au siège de la Christian Science, le journaliste attend depuis un bon moment quand enfin un rideau se soulève. Marie Baker Eddy apparaît, assise dans un fauteuil. Malgré le fard, on voit que son visage est desséché, comme momifié. Mais surtout, elle est presque complètement sourde. De ce fait, l?interview perd toute dignité. Comme on lui interdit de s?approcher, le journaliste doit répéter ses questions, les crier. Elle répond d?une voix cassée, à peine audible. Malgré tout, elle a l?air lucide. Ses réponses aux trois premières questions concernant sa santé sont d?ailleurs sans importance. Ce qui compte, c?est la quatrième question : «Gérez-vous personnellement votre fortune ?» A peine le journaliste a-t-il prononcé cette phrase d?une voix forte que Marie Baker a un petit sursaut. Il croit qu?elle n?a pas bien compris et répète la question. Alors, Marie Baker s?évanouit. Une armée de familiers s?empresse autour d?elle et met le journaliste à la porte sans ménagement. Le consistoire aura la sagesse de ne pas répondre aux polémiques que déclenchera cette interview à demi ratée. De sorte que, le calme revenu, Marie Baker continuera de mener officiellement la Christian Science jusqu?au 4 décembre 1910, jour où elle s?éteint discrètement à l?âge de quatre-vingt-neuf ans. Dans les trois mille églises de la secte, les prêcheurs se contentent d?annoncer discrètement que la révérende mère «vient de quitter notre champ de vision». Aujourd?hui, des millions d?adeptes, dont plusieurs milliers en France, vénèrent plus que jamais Marie Baker Eddy.