Exception n A la campagne, le sens de la fête est resté pratiquement intact. Et pour cause : il reste dans ces contrées qu'on appelle généralement l'Algérie profonde, le seul remède efficace contre l'ennui. Et Dieu sait que dans ces contrées du bout du monde où l'on se couche au crépuscule et où l'on se réveille au chant du coq, les journées paraissent longues et monotones. C'est ici pourtant que la fête est à fleur de peau, elle est même contagieuse selon les saisons. Un petit rien éveille la curiosité et souvent provoque la liesse. Il suffit que quelques commerçants informels dressent leurs tentes à la lisière du village et ouvrent un souk improvisé pour que la foule se déplace. Et comme dans ce genre de rencontres, les troupes folkloriques ne sont jamais loin. C'est aussitôt la fête en rase-campagne où le rythme de la ghaïta porte aussi loin que le vent. Des cercles conviviaux se forment un peu partout, autour du marchand de vaisselle, des marchands de tapis, sous la grande «hutte» qui sert de café-maure et où les rires et les plaisanteries fusent de toute part. On oublie un instant les soucis de la vie et la morosité ambiante. Ces marchés qui n'ont rien de spécial ni de spectaculaire ailleurs sont accueillis ici avec bonheur parce qu'ils cassent, pendant quelques heures la terne monotonie du temps qui passe. Nos fellahs et nos villageois qui ne sont apparemment jamais en panne d'idées ont inventé d'autres rencontres, plus larges, plus importantes et qu'ils ont inscrites dans le registre spirituel des «taâm». Des fêtes populaires qui célèbrent chaque année à la même date, l'anniversaire du saint patron du village. A cette occasion, que la population ne raterait jamais, et pour rien au monde, une bonne dizaine de femmes se regroupe pour rouler le couscous au milieu des chants et des youyous. Les cavaliers astiquent leur monture et leur selle et lubrifient les canons de leur fusil. Au jour «J», camelots, bonimenteurs, cafetiers ambulants, marchands des quatre saisons se retrouvent sur un terre-plein pour laisser parler la poudre et faire place à la fantasia. Les invités viennent de toutes les communes avec femmes et enfants. Les uns ramènent avec eux des moutons qui seront égorgés et servis aux hôtes, les autres du couscous prêt à être consommé. D'autres chargent leur camionnette de fruits de saison et de boissons gazeuses pour faire honneur aux étrangers de passage. Rien ne doit manquer aux convives pour que l'on parle de cette fête pendant très longtemps. Pendant trois jours et trois nuits, la campagne rompra ainsi avec la routine et l'angoisse des matins ternes.